
préparait une magnifique réception, parce qu’ayant
su que j’étais allé visiter Assaf-Dooulet en uniforme, il
me tenait pour un personnage éminent : plusieurs bataillons
avaient reçu l’ordre de se tenir prêts pour aller
à ma rencontre, et quelques chefs Afghans devaient
aussi venir me complimenter à une demi-farsang de
la ville. Cette nouvelle me contraria singulièrement,
car je n’étais point en position de recevoir de tels
honneurs, qui d’ailleurs coûtent toujours fort cher
en Asie. De plus, c’était laisser croire que j’arrivais
dans le pays avec une mission diplomatique secrète.
Comment, en outre, faire mon entrée dans
la ville, au milieu d’une semblable escorte, juché
sur un chameau, avec un seul domestique et un aussi
mince équipage que le mien? Ma position était très-embarrassante,
et, pour me soustraire aux honneurs qui
m’attendaient, je priai mon serbàne, Hassan-Obèrèh,
de devancer l’heure de son départ, afin qu’arrivant à
Hérat à la pointe du jour, les troupes ne fussent pas
encore sur pied. Hassan se fit beaucoup prier, car il
avait reçu l’ordre de n’arriver qu’à dix heures, et il ne
pouvait renoncer sans peine à la part d’honneur qu’il
espérait retirer lui-même de la réception qu’on me
préparait. Il finit cependant par céder, et nous partîmes
à l’heure accoutumée.
CHAPITRE XI.
Hérat.—Réception matinale.—L’officier de garde.—Le Sertip
La’l-Méhémed-Khan. — Son audace au siège de H é ra t.—
L’auteur est logé dans la maison de ce militaire. Ordres
donnés par Yar-Méhémed. — Visite des docteurs. — Leur
manière de guérir. — Le cyanure de mercure. Les Baya-
dères et la coupe de vin.— Visite à Yar-Méhemed-Khan.
Réception faite à M. Terrier.—Insistance du Khan à-le prendre
pour un Anglais. — Résultat de la conférence. — Politique
de Méhémed avec les Anglais.—Portrait de ce prince.
— Travaux du génie du Khan pendant le siège de Hérat.
Les confidents de Yar-Méhémed. — Sa puissance.—La protection
qu’il accorde aux Eïmaks. — Résultats probables
de cette manière de faire. — La justice administrative du
Vézir. — Sécurité des routes publiques. — Les taxes de la
ville de Hérat. — Mesures prises pour la sûreté personnelle
du Khan.—Son origine et son avènement au pouvoir.—Son
fils Séyid-Méhémed-Khan. — Les compétiteurs au trône du
y é z i r . Mirza-Nedjef-Khan.—Les autres Serdars.
Hérat.—8 juin.—6 farsangs, neuf heures et demie
de parcours par une route unie et facile, reposant sur
un fond de sable et de gravier. Quatre heures avant
d’arriver à Hérat on commence à voir, à gauche, au
pied des montagnes, sans interruption jusqu’à la ville,
des ruines immenses, des rèstes d édifices et des tombeaux,
des jardins et une très-grande quantité d’arbres
pins.
Ce que j’avais désiré arriva : nous étions avant le
jour dans le faubourg de la ville appelé Mussella-Et-
Thallèh-Bengui, et nous y attendîmes les premières
lueurs du crépuscule dans les ruines d’une magnifique