
campés, je lui envoyai mon guide avec Roustera pour
le prévenir de mon arrivée. Il m’envova immédiatement
chercher par sonnaïb (lieutenant),qui me conduisit
près de lui dans la citadelle, où il avait ordonné que
nous fussions installés. Il descendit lui-même dans la
cour, avec le sans-façon tartare, pour se convaincre
par ses propres yeux que nous ne manquions de rien, et
que la chambre qu’on nous avait donnée était propre
et bien garnie de tapis. Ce Khan m’accueillit avec une
brusque franchise, qui me prévint de suite en sa
faveur ; aussitôt il me conduisit dans son appartement,
qui était fort simple et sans luxe. 11 s’assit, suivant sa
coutume, dans l’encoignure de la croisée, gardant
son sabre et ses pistolets à la ceinture, ainsi qu’il en
a contracté l’habitude depuis vingt ans; puis m’ayant
invité à prendre place vis-à-vis de lui, il me demanda
ce qui m’avait amené à Ser-Peul. Je lui fis un récit
très-abrégé, mais très-exact, de mes tribulations depuis
mon départ de Meched, et je finis par lui demander
sa protection pour arriver en toute sécurité
à Kandahar. Mahmoud-Khan me répondit à son tour
quelques paroles bienveillantes, qui me prouvèrent
que je n’avais pas trop présumé de son caractère, et
après avoir cherché à me consoler de ma mésaventure,
il ajouta que ce contre-temps avait quelque
chose d’heureux pour lui, puisqu’il lui permettait de
m offrir l’hospitalité; il me dit encore que la présence
d un étranger était toujours un grand bonheur, parce
qu’elle attirait la bénédiction du ciel sous le toit où il
se reposait. Il m’entretint après cela de ses démêlés
avec ses voisins, notamment avec Roustem-Khan, de
Chibbcrghàn; ensuite il m’interrogea longtemps sur
l’art militaire, et se fit répéter longuement tout ce qui
se rapporte à l’attaque et à la défense des places, tâchant
de bien retenir tout cela afin d’en faire son
profit a l’occasion. Pour lui, Frengui voulait dire Anglais,
mais comme il n’avait rien eu à démêler avec
eux pendant leur occupation du Kaboul, et qu’il avait
beaucoup entendu vanter leur générosité, il m’assura
qu’à présent qu’ils s’étaient éloignés de son pays, il
n’avait aucune raison pour ne pas faire alliance avec
eux. Il ajouta même que si je voulais être son intermédiaire,
je lui ferais le plus grand plaisir; seulement
il me recommanda de ne pas agir en Asiatique,
c’est-à-dire de ne pas garder pour moi une partie du
subside qu’il réclamait de la générosité du gouvernement
de Calcutta. Il me promettait en échange toute
espèce de bons services. 11 va sans dire que je fus
tout ce qu’il voulut, et que je ne me montrai pas avare
de belles promesses : d’ailleurs ma position me faisait
une loi de me le rendre favorable, et rien ne pouvait
mieux atteindre ce but que de flatter sa cupidité. Je
réussis, à ce qu’il paraît, à le convaincre des r%a sincérité,
car il me promit de me faire arriver à Kandahar
sans que je m’en aperçusse : « Vous y serez
comme porté, me dit-il, couché dans votre lit, et le
voyage vous semblera un heureux songe. » Bien que
je ne crusse pas à toutes les douceurs que me promettait
son langage métaphorique, je me félicitai
cependant d’avoir levé tous les scrupules qu’il aurait
pu avoir, et de ses bonnes dispositions à mon égard.
J’aurais bien désiré, malgré la grande fatigue que je