
me suivre que jusqu’à cette dernière ville. Dans l’impossibilité
où j’étais deremplacer maintenant celui-ci
par une personne sûre, je ne voulus point m’assujettir
à la défiance et à la surveillance qu’il m’aurait
fallu nécessairement déployer vis-à-vis d’un nouveau
serviteur, car j’aurais été obligé de le prendre au
hasard. Je partis donc seul. Mais le remède fut pire
que le mal : si j’avais su toutes les souffrances que je
me préparais, je ne me serais point imposé une privation
dont le but était aussi d’économiser mes finances.
Un domestique, au moins, est toujours nécessaire
à un Européen qui voyage dans l’intérieur de l’Asie '.
On ne trouve dans ce pays aucune des ressources et
des commodités ordinaires en Europe ; il n’y a ni hôtel,
ni dîner prêt quand on arrive; il faut traîner avec soi
son lit, ses provisions de bouche, sa batterie de cuisine,
et souvent jusqu’au bois et à l’eau. Si un Européen
ne faisait que se déconsidérer, aux yeux des Persans,
en faisant lui-même sa cuisine, en allant acheter
tout ce qui lui est nécessaire, et en nettoyant ses plats
et ses marmites, il pourrait parfaitement se moquer
de cet inconvénient temporaire ; mais celte perte de
considération l’expose aussi à être maltraité souvent,
1 Celte remarque e st très-exacte e t cependant quelques a tta chés
de la mission de Hérat se souviennent avec plaisir avoir
été surpris, un soir d’octobre, assis devant un feu mourant, par
l’arrivée d’un voyageur anglais, M. Mitford, — qui se rendait
à Bombay ! Quoiqu’il connût fort peu la langue du pays, il
avait fait une partie de la route de Hamadân à Hérat sans
domestique. Quant à son bagage, il l ’avait fait tran sp o rte r à dos
de cheval sous ses yeux, car il renfermait des articles auxquels
il ten a it infiniment. — L.
sans sujet, purement et simplement parce qu’on le
croit dépourvu de toute protection, et parce qu’en sa
qualité de chrétien, il a le malheur d’être impur aux
yeux des musulmans chiàs, qui le regardent comme
un chien dont il faut fuir le contact, l’empêchent de
toucher à leur eau, à leurs vivres, et se posent ainsi
en véritables tyrans. Telle était la situation dans
laquelle je me trouvais, et Dieu seul sait ce que j ai
souffert. Un Européen doit toujours prendre un domestique
musulman, de préférence à un Arménien.
Ces derniers, en leur qualité de chrétiens, se prêtent
mieux à nos usages, mais habitués à être dominés, ils
sont très-timides et n’osent pas faire valoir leurs droits.
Les Persans les insultent à propos de rien ; à vrai
dire, ce sont de fieffés coquins, menteurs, rampants,
vils, lâches, qui se figurent que, puisqu’ils sont nos
coreligionnaires, ils ont le droit de nous voler bien
plus que n’oserait le faire un musulman. Ceux-ci,
sans être trop scrupuleux, sont au moins plus propres
et plus faits au service. Le sentiment delà supériorité
que leur donne leur qualité de musulmans les rend
fiers et très-déterminés, et ils savent bien se faire respecter.
On aurait tort de conclure, d’après ce que j’ai
dit jusqu’ici, que la généralité des Européens est maltraitée
en Perse; cela n’arrive qu’au plus petit nombre,
particulièrement quand on les suppose de bas étage et
qu’ils sont isolés, surtout quand ils se trouvent avec
des caravanes de pèlerins, au milieu dèsquelles on
trouve habituellement réunis les fanatiques de toutes
les parties de la Perse. Mais un Européen qui aura
une suite convenable et qui tiendra dans ses mains