
lui ordonna d’éventrer un chien nouveau-né et de
tenir la main malade pendant une heure dans ses entrailles.
La bonne vieille fit ce qui lui avait été prescrit
; malheureusement c’était le jour du Kourbâm-
Beïram (cérémonie de la victime), la plus mémorable
fête de l’Islam. On tue ce jour-là un mouton dans
chaque famille musulmane et on le mange en grande
réjouissance. L’action de la femme juive parvint à la
connaissance de quelques musulmans fanatiques qui
propagèrent cette nouvelle en l’accompagnant des
plus grossiers mensonges. Ils affirmaient que le malheureux
chien avait été tué par les juifs assemblés;
qu’ils avaient voulu, en agissant ainsi, tourner en ridicule
la religion musulmane. Toute la ville fut bientôt
en émoi, et les soldats de la garnison, se portant
tout à coup dans le quartier des juifs, le mirent au
pillage et massacrèrent plusieurs d’entre eux. Ces malheureux,
traqués comme des bêtes fauves, et ne recevant
aucune assistance du gouvernement local, ne
purent sauver leur vie qu’en faisant la profession de
foi de l’Islam. Pendant qu’ils étaient encore sous le
coup de la terreur que leur avait inspirée cette déplorable
attaque, l’Iman Djumèh, quelques autres Mollahs
et plusieurs grands seigneurs firent choix des
plus jolies filles juives, et se marièrent avec elles.
Assaf-Dooulet, malgré son esprit de justice, ne fit pas
ce qu’il aurait dû faire en cette occasion, car il n’essaya
de réprimer le désordre que lorsqu’il n’était plus
temps. Bien des gens ont cru et assurent encore qu’il
fut je secret promoteur de cette affaire : ceci n’est
pas prouvé, mais quand l’on connaît la haipe qqe ce
seigneur professe pour, lés Arméniens et les juifs,
on est plus disposé à croire qu’il a bien pu coopérer
à l’abjuration forcée de ces derniers. Le fanatisme ne
fut pas, il est vrai, le seul mobile qui fit agir les musulmans
en cette circonstance ; la jalousie qu’ils éprouvaient
de voir les juifs opérer les transactions commerciales
les plus importantes et les plus lucratives
les porta aussi à envahir leurs demeures : on supposait
les Israélites nantis de trésors immenses dont on voulait
les dépouiller, et on enleva à ces malheureux jusqu’aux
portes et aux fenêtres de leurs maisons. Depuis
cette époque, les juifs mechédiens n’ont plus remis
le pied dans leur synagogue; ils affectent au contraire
d’aller faire tous les jours leur prière dans la mosquée
de l’Iman Réza, afin qu’on ne puisse pas penser que
leur conversion est hypocrite, ce qui ne pourrait
manquer de leur attirer de nouvelles persécutions; ils
ont aussi renoncé à apprendre l’hébreu à leurs enfants,
et les envoient étudier le Koran, chez les Mollahs.
Ceux d’entre eux qui ont émigré à Hérat ont cependant
repris ouvertement leur ancien culte. C’est là
peut-être une imprudence qui pourra leur coûter cher ,
s’ils tentent de revenir à Mçched. Les Israélites de
cette ville m’ont paru plus honnêtes gens que ceux de
l’Asie, dont ils n’oîit ni l’astuce, ni l ’air abject. Ils sont
serviables et polis sans bassesse, et plus loyaux qu’on
ne devrait s’y attendre de gens de cette origine1.
i II y avait seulement quelques familles israélites à Hérat
lors de l’arrivée de la Mission; mais on en trouve maintenant un
très-grand nombre dans les différentes provinces de l’ouest de la
Perse e t du Turkeslan. Le major Eidred Pöttinger a montré