
« a eu aussi envers moi : partant quitte. Nos rela-
« tions peuvent se renouer aujourd’hui sur un pied
« amical, et j’y apporterai toute la sincérité que vous
« êtes en droit d’exiger de moi. La duplicité dont j’ai
« fait preuve antérieurement vis-à-vis de MM. Pottin-
« ger et Todd ne doit pas servir de base à votre opi-
« nion sur mon compte; ils excitaient contre moi
« ce vieil ivrogne de Châh-Kamràne, et ma vie était
« en jeu : il fallait bien que je la défendisse. J’étais
« dans des inquiétudes continuelles qui ont disparu
« depuis qu’il n’existe plus : aujourd’hui, toute l’au-
« torité est concentrée entre mes mains; les Afghans
« me sont dévoués, et je suis débarrassé des Persans.
« Parlez-moi donc sans réserve, et si votre alliance
« me vient en aide, la mienne pourra aussi vous
« être de quelque utilité. » J’étais vraiment très-embarrassé
pour répondre à cette brusque sortie, faite
sur un ton d’assurance qui dénotait une profonde conviction
sur ma nationalité anglaise. Selon toute probabilité,
le Vézir-Saheb découvrit à l’expression de
ma figure que je n’étais pas très-rassuré, car il m’en
fit l’observation. Cependant, mon trouble ne fut que
passager, et je protestai bientôt, de la manière la plus
énergique, contre les intentions perturbatrices qu’il
me prêtait sans doute. Il chercha inutilement à me
désabuser. Je lui alléguai que la surveillance dont
il m’entourait était une preuve suffisante de sa pensée
à mon égard. Ce fut alors à son tour de s’excuser sur
les nécessités de sa position : il me dit que la con duite
tenue antérieurement par les Anglais qui étaient
venus à Hérat n’était pas de nature à le tranquilliser
sur les intentions de ceux qui s’y rendraient à l'avenir,
et qu’il serait imprudent de sa part de leur donner
trop de liberté, dans une ville où leur or pourrait
lui ôter l’affection de la population. Puis, s’animant
peu à peu, il me fit d’assez curieuses révélations. « Je
« connais trop bien les projets des Anglais, continua-
« t-il, pour être sincère avec eux ; ils auraient pris
« de trop profondes racines à Héràt s’ils y fussent
« restés plus longtemps. Us ont laissé beaucoup d’ar-
« gent dans la principauté, il est vrai, mais ce n’était
« pas pour m’en faire profiter ; je feignais d’être
« leur dupe, mais ne l’ai jamais été. Quand je sortais
« à cheval avec M. Todd, je le prenais moi-même
« sous les bras pour l’aider à se mettre en selle; je
« le laissais marcher avant moi pour satisfaire son
« orgueil, mais j’augmentais mes richesses à ses
« dépens. Lorsque sa générosité cessa, mes bons pro-
« cédés cessèrent de même. Il voulut me renverser,
« je l’ai chassé de Hérat, et il est aujourd’hui décon-
« sidéré aux yeux de ses chefs- ainsi vont les choses
« de-ce monde : tout est écrit dans le livre du des-
« tin. Si la fortune s’est décidée en ma faveur,
« c’est que Dieu l’a voulu; tous vos trésors et vos sol-
« dats ne pourraient lutter contre sa volonté. Arrivez-
« vous aujourd’hui avec des intentions différentes
« de celles de vos prédécesseurs? parlez franchement,
« nous serons amis. Payez-moi bien, et je serai votre
« serviteur dévoué, mais si vous êtes venu pour in-
« triguer comme eux, je ne le permettrai pas. Il ne
« tombera pas un cheveu de votre tête, vous resterez
même ici, si cela vous plaît, mais traité comme