
l’abondance et la fraîcheur de ses eaux, comme aussi
pour la bonté de ses chevaux ; c’est là qu’on commence
à trouver les éleveurs de cette race de chevaux tur-
komans si estimés par les Persans. Les cotons de cette
localité ont aussi une grande réputation. Bostam est
le chef-lieu d’un district partant de Dèh-Mollah et finissant
à Abbas-Abad. Cette province renferme 38 villages,
tous riches et fertiles. Son gouverneur, nommé
Soliman-Khan, comme celui de Damghân, réside à
Bostam. Autrefois ce district formait, du côté de l’est,
les dernières dépendances du petit pays de Komus. Si
jamais les Russes s’emparent du Mazendèran, ce qui
est fort probable, d’abord parce qu’ils le convoitent depuis
longtemps, ensuite parce que personne ne pourra
s y opposer, Châh-Roud et Bostam auront pour eux
une grande importance. En les fortifiant, ils en feront
une tête de pont pour se garder contre les Persans.
Depuis Damghân jusqu’à Châh-Roud, tous les gîtes
sont infestés de cette espèce de punaise appelée cheb-
guez, dont la piqûre, quand elle ne détermine pas la
mort, occasionne au moins une maladie très-grave *.
J’ai dit, en décrivant Damghân, pour quelle raison
je pensais que Châh-Roud devait être, sinon le centre,
tout au moins l’une des extrémités delà ville d’Héca-
tômpylos. L’examen des lieux m’a de plus en plus confirmé
dans cette opinion. C’est là que débouchait la
principale route conduisant dans l’Hyrcanie, etproba-
1 La morsure empoisonnée e t particulièrement venimeuse de
cet insecte a été mentionnée par tous les voyageurs. Le docteur
Campbell en pa rle très au long à l ’article Meani dans son ouvrage
intitulé The Modem Traveller in Persia.
blement celle que dut suivre Alexandre quand il quitta
le pays des Parthes pour marcher vèrs Zadracarta.
Il serait difficile d’assigner une autre direction à
sa marche, car une ou deux routes, situées en deçà
de Châh-Roud, qui mènent de la plaine dans le
Mazendèran, sont presque impraticables aujourd’hui,
et elles devaient l’être bien plus encore du temps
d’Alexandre, lorsque les premières chaînes de montagnes,
aujourd’hui tout à fait dépouillées et arides,
étaient couvertes d’épaisses forêts.
Je n’avais encore jamais eu, pendant le cours de mes
voyages en Orient, de compagnons aussi insupportables
que ceux avec lesquels je me rendais de Téhéran
à Meched ; c’étaient de vrais anthropophages. Ils
m’avaient respecté depuis Semnân, parce qu’ils craignaient
Soliman-Khan, mais depuis que nous étions
hors de son gouvernement, ils avaient grande envie
de recommencer à me molester : la nouvelle histoire
qui m’advint pendant cette journée me prouva que le
ressentiment qu’ils avaient contre moi ne s’était pas
tout à fait calmé. A trois heures de l’après-midi, j’entendis
de grandes clameurs, partant d’abord d’un endroit
lointain, ce qui me fit presque croire à une invasion
de Turkomans; le bruit se rapprocha bien
vite du lieu où j’étais campé, et avant d’avoir pu
reconnaître la cause du tumulte, je me vis entouré et
interrogé par une foule de pèlerins qui paraissaient
très-irrités. Ce fut avec beaucoup de peine que le
Séyid conducteur leur imposa silence : il parvint enfin
à me faire connaître le but de cette bruyante visite.
Ce digne fils du Prophète me reprocha avec indigna