
paient le pays, ils l’administraient et jouissaient de
son revenu. Ils prirent pour prétexte de leur attaque
contre les Djafs de prétendues déprédations, le
pillage de quelques caravanes et le refus de payer
l’impôt. Les cavaliers persans étaient tombés au milieu
des campements de la tribu à l’improviste, sabrant
et pillant sans miséricorde tout ce qui leur tombait
sous la main. Les Djafs, ainsi surpris, n’eurent que
le temps de sauter sur leurs chevaux et d’assurer la
retraite de leurs femmes et de leurs enfants, abandonnant
aux assaillans leurs tentes et leurs troupeaux, et
les cadavres de sept hommes tués. Ils purent sauver
la plupart de leurs blessés qui étaient en grand nombre
: dix- sept d’entre eux cependant furent pris par
Châh-Abbas-Khan qui les emmena à Ser-Peul, emportant
aussi le riche butin dont il venait de s’emparer.
Nous apprîmes ces détails en arrivant à Kasr-Chirine,
e t, comme les Djafs se trouvaient dans les environs,
grand nombre de pèlerins, du côté desquels je me
rangeai, jugèrent prudent de s’enfermer dans le caravansérail.
Seule, la princesse Fakhret-Dooulet se
croyant suffisamment protégée par sa nombreuse suite
et le voisinage de la cavalerie persane, ne crut pas
devoir adopter cette mesure et fit dresser ses tentes
sur le bord de la rivière. Cette imprudence faillit lui
coûter cher. Ce fut par le plus grand des hasards
qu’elle reçut l’avis, vers le milieu de la nuit, que
Méhémed-Bey, chef des Djafs, s’avancait pour l’en-
lever, à la tête de six cents cavaliers. Elle n’eut que le
temps de plier bagage, et, à peine était-elle parvenue
à nous rejoindre dans le caravansérail, dont nous
avions fermé et barricadé la porte d’entrée, que les
Djafs se montrèrent au sommet de toutes les éminences
qui dominaient notre retraite. Il s’engagea aussitôt
entre eux et nous une fusillade aussi peu meurtrière
que celle que nous avions échangée la veille avec les
Bilbers, avec cette différence qu’elle se prolongea jusqu’au
jour sans que personne fût tué ou blessé. Ibrahim
Pacha, gouverneur de Zohab, qui se trouvait près
de la princesse, fut alors envoyé en parlementaire
près de Méhémed-Bey ; et il fit la paix aux conditions
suivantes. Méhémed-Bey s’engageait à escorter la princesse
et sa suite jusqu’à Ser-Peul et à la préserver de
toute insulte, à condition qu’une fois arrivée-là, celle-
ci interviendrait auprès de Châh-Abbas-Khan pour
faire rendre à la liberté les prisonniers djafs et obtenir
la restitution des bagages et des troupeaux qu’il leur
avait enlevés. Méhémed-Bey exécuta avec loyauté 1 engagement
qu’il avait pris, et nous conduisit sains et
saufs jusqu’à Ser-Peul ; mais, dès que la princesse fut
en sûreté, elle se montra moins soucieuse de tenir sa
promesse que le chef des Djafs,car elle s enferma dans
sa tente, refusa de le recevoir et le fit prévenir que,
s’il ne se retirait à l’instant, elle allait donner l’ordre à
Châh-Abbas-Khan de l’attaquer pour l’y contraindre.
Les Persans sont d’une insigne mauvaise foi, cela est
connu; mais je dois dire, à la louange de ceux qui
composaient notre caravane, qu’ils furent indignés
de la conduite de la princesse, et qu’ils ne se gênèrent
point pour déclarer hautement que tous les torts
étaient du côté de Châh-Abbas-Khan, qui avait
inventé les délits qu’il reprochait aux Djafs, afin de