
rades venant à son aide , se saisirent du Kérendien
et 1 amenèrent en présence du gouverneur qui le perça
de sa propre main de plus de vingt coups de poignard.
Hadji-Khan se répandant ensuite en invectives
contre les habitants du village, jura sur la barbe du
Châh d’en faire étrangler la moitié au point du jour.
Les vieillards le supplièrent en vain de pardonner :
son langage continua à être impitoyable. Les Kéren-
diens, poussés à bout, se réunirent alors sur la place
publique et s’engagèrent, par un serment solennel
qu’il n’est pas permis à ceux de leur secte de rétracter
sans s’exposer à la damnation éternelle, à combattre
leurs tyrans jusqu’au dernier soupir. Fondant
aussitôt sur les Gholams dispersés, endormis ou
ivres-morts, ils les égorgèrent comme des moutons.
Hadji-Khan, prévenu du danger qu’il courait, eut le
temps de se barricader dans son logis; il s’y défendit
et mourut de la manière relatée par le rapport du
premier ministre. Les troupes campées dans le caravansérail,
et appartenant à la même province que les
Kérendiens, ne dissimulaient point leurs sympathies
pour eux ; aussi la lenteur qu’elles mirent à arriver au
secours de leur chef laissa le temps à la révolte de le
massacrer sans pitié. Leur petite' troupe retourna à
Kermanchâh sans avoir reçu la moindre insulte; il
n’en fut pas de même des Turks, qui périrent tous jusqu’au
dernier. On appelle Turks, en Perse, les sujets
du Châh qui appartiennent à la province d’Azerbaïdjan,
et cela parce qu’ils parlent tous la langue turke;
ils sont abhorrés dans les autres provinces où l’on
parle le persan, moins cependant à cause de la différence
de langage, que parce que, fournissant la plus
grande partie des troupes régulières à l’État, ils violentent
les populations et commettent mille exactions
partout où on les envoie en garnison.
Les peuples que nous appelons Turks, en Europe, et
qui sont gouvernés par le Sultan de Constantinople, reçoivent
le nom d’Osmanlis des autres nations de l’Asie.
Le thermomètre centigrade ne marquait que seize
degrés, à l’ombre, quand je passai à Kérend, tandis
que huit jours avant, j’en avais trouvé trente-cinq à
Bakouba.
Haroun-Abad.—9 avril.—& farsangs, parcours de
sept heures. Route facile dans la vallée, où l’on rencontre
de temps en temps quelques monticules boisés.
Ce village est situé sur la rivière Kérah, presque à
l’origine de l’une de ses sources. Il n’est habité qu’en
été. En hiver, sa population va s’abriter dans les plaines
contre les rigueurs du froid, qui est intense. Une
soixantaine de maisons et un caravansérail-châh sont
les seules constructions que l’on voie à Haroun-Abad.
Mahi-Daicht.—10 avril.—Distance 5 farsangs, sept
heures et demie démarché. Le chemin s’étend d’abord
pendant trois quarts d’heure, dans la plaine de Kérend,
sur un sol plat et facile , puis il tourne tout à coup
à l'est et s’engage dans lès montagnes, au milieu desquelles
on chemine pendant une heure sur une route
escarpée. L’on débouche enfin dans la belle plaine où
se trouve Mahi-Daicht, village de quatre-vingts feux,
par lequel passe une petite rivière remplie d’une innombrable
quantité de tortues. Cette plaine est couverte
de villages situés au milieu de gras pâturages.