
dans l’autre. Les caravaniers ne sont point une exception,
car la généralité des Persans pense que tout doit
être pour le culte et rien pour la morale.
Une caravane est-elle attaquée par des bandits ; les
muletiers persans se défendent bien quand ils sont
armés, et que leur nombre et leur position leur font
espérer la victoire, mais pour peu qu’ils aient des
doutes, ils ne songent plus qu’à assurer le salut de
leurs mulets. Ils coupent alors les liens des bagages et
les abandonnent sur place à la convoitise des pillards.
Tandis que ceux-ci s’emparent du butin, ils s’élancent
sur une de leurs montures, poussent les autres devant
eux et galopent ainsi jusqu’à ce qu’ils soient à l’abri
des voleurs. Il est bon de remarquer que quand pareille
chose arrive, les mulets ont l’instinct du danger
qu’ils courent, et qu’ils déploient alors dans leur course
une ardeur qui contraste singulièrement avec la lenteur
ordinaire de leur marche.
Généralement, et par des routes ordinaires, une
caravane de mulets ou de chevaux, portant chacun
40 à 45 battements (420 à 135 kilogrammes), doit
parcourir une farsang en une heure et demie ; mais
dans les déserts, comme de Meched à Bokhara, ou
bien dans les pays de montagnes, comme dans le Ma-
zendèran, la marche est un peu plus lente.
Les Persans peu fortunés ne transportent avec eux
aucune espèce de provisions débouché, quand ils
voyagent sur les grandes lignes de communication,
parce que le djilo-dar descend toujours dans un village
où l’on est au moins certain de trouver du pain, des
oeufs, du beurre et du lait aigre, et que ces aliments
leur suffisent. Si l’on ne doit rien trouver à la halte
suivante, le djilo-dar ne manque jamais d’en prévenir
les voyageurs, qui se pourvoient de vivres dans le village
qui la précède. Il y a une exception à cette règle,
du commencement de mai à la fin de juillet, époque à
laquelle les Persans mettent leurs chevaux au vert.
Les muletiers sont alors obligés de camper près des
prairies et loin des villages : dans ce cas, chacun doit
être muni des articles nécessaires à sa consommation.
Ceux que j’ai indiqués ci-dessus forment le fond de
la nourriture des Persans, niais un Européen s’en
contente plus difficilement. Il peut alors acheter des
poules que l’on trouve aussi dans la plupart des villages.
Du reste, on est bien vite habitué à se nourrir
comme les habitants du pays, mais rien n’empêche,
sans trop se surcharger, de porter avec soi une petite
provision de riz pour faire du pilau : c’est une nourriture
qu’on trouve d’abord un peu sèche, mais à laquelle
on s’habitue si bien et si promptement, que
bientôt on ne peut plus s’en passer. Le pilau est la nourriture
par excellence de ceux qui voyagent en Perse ;
c’est un mets sain, très-nourrissant et d’une facile
digestion. L’usage, pendant la route, du lait aigre
caillé, nuit généralement aux Européens ; il les affaiblit
beaucoup, et dérange tout à fait les fonctions de
l’estomac, surtout quand, pour le boire, on l’allonge
avec de l’eau. Cette recommandation me paraît d’autant
plus nécessaire, que les voyageurs, altérés par
une longue traite, et ne trouvant le plus souvent, en
arrivant à l’étape, qu’une eau tiède et saumâtre, préfèrent
se gorger d’abdoukh (c’est ainsi qu’on appelle