
pour les achats en tout genre, et se procure ainsi une
compensation plus lucrative et plus facile, qui dépasse
le gain qu’il pourrait faire sur les villageois. On
perd, en outre, autant en considération aux yeux de
ceux-ci qu’à ceux du protecteur officiel pour cette
renonciation à son droit. Lameilleure conduite à tenir
c’est de laisser faire le Mehmandar sans se mêler de
rien, car autrement chacun se moque même de votre
générosité et de vos sentiments d’humanité.
Il n’y a pas de pire malheur, quand on voyage en
Asie, que celui d’être obligé d’associer sa fortune à
celle d’une caravane, et c’est à cette extrémité qu’en
sont réduits ceux dont la fortune n’est pas assez grande
pour se permettre de voyager des deux manières que
nous venons d’indiquer ci-dessus. Le premier des
inconvénients est celui que suscite toujours la mauvaise
foi des muletiers (katerdji). Dès qu’ils ont reçu
le prix de location des bêtes de somme, ils se moquent
des conditions arrêtées et n’en font qu’à leur guise.
A-t-on stipulé avec eux le nombre de jours que l’on
doit rester en route ; ils s’en soucient fort peu et ne
font pas un pas de plus que la traite qu’ils se sont
proposé de franchir. Se sont-ils engagés à passer par
telle ou telle localité que vous avez intérêt à visiter;
pour peu que cela les dérange, ils prendront une
direction opposée et donneront mille raisons absurdes
pour se justifier de leur manque de foi. Leur principale
ruse consiste à effrayer les étrangers, en leur
annonçant des voleurs qui, bien entendu, n’existent
pas ; mais à cela près, ils vous cajoleront, vous flatteront
pour avoir un pourboire; la plupart du temps,
ils se font payer d’avance, puis ils viennent vous
dire à moitié chemin qu’ils n’ont plus d’argent pour
acheter l’orge nécessaire à la nourriture de leur
monture. Ceux qui ne sont pas blasés sur ces petites
roueries se laissent toujours extorquer par eux un
supplément de frais de transport. On doit d’ailleurs
s’attendre encore à beaucoup d’autres désagréments.
Le voyageur devra d’abord braver les intempéries,
s’endurcir à toutes les fatigues, dormir à la belle
étoile, que le temps soit froid ou chaud, sec ou
pluvieux, à moins qu’il ne préfère se retirer dans des
logis malpropres, puants et remplis de vermine, dans
les villes aussi bien que dans les villages. Les hôtels,
les auberges et les tavernes sont inconnus eh Asie, et
le mieux que l’on puisse trouver sont ces beaux cara-
vansérails-châh, que la saleté habituelle des Persans
a bien vite transformés en de véritables écuries, car
ils logent leurs chevaux dans les mêmes chambres
que les hommes, de crainte des voleurs : aussi ces
chambres sont-elles pleines de crottin mêlé à des
excréments humains. Il faut s’accommoder de tout
cela, aussi bien que du caractère des compagnons de
route que vous donne le hasard, et penser, avant tout,
comme le dit très-judicieusement M. Jaubert, non pas
à ce dont on peut avoir besoin, mais bien à ce dont on
pourra se passer.
C’est chose assez curieuse que la marche d’une caravane
en Perse. Le chef, nomme djilo-dar (celui qui
a ou qui tient la bride), est un muletier qui se recommande
autant par la connaissance des routes, des localités
et des populations qui les habitent, que par la