
uzbek, et dont la physionomie indiquait pourtant
clairement une autre origine. Les informations que
je pris à leur sujet me firent connaître qu’ils venaient
de Hézeret-Imam, petite ville située au nord de Koun-
douz, et se rendaient en pèlerinage à Meched, au tombeau
de l’Imam Réza. Leur langage était une sorte de
persan corrompu, ce qui redoubla mon étonnement,
car le turk primitif ou tartare est la langue en usage
dans le pays où ils résident. Cette singularité ayant
piqué ma curiosité, je m’avançai vers eux pour me
renseigner plus complètement sur leur compte. Ils
m’apprirent alors qu’ils étaient les descendants des
Younàns (Grecs) qu’Alexandre le Grand (Iskander-
Roumi) avait laissés dans ces contrées '. C’est alors
que je me souvins que Marco-Polo, et après lui Burnes,
ainsi que divers auteurs orientaux nous avaient révélé
l’existence de tribus macédoniennes établies sur la
frontière nord-ouest de la Tartarie chinoise. Je voulus
me convaincre par moi-même qu’ils n’avaient point
été induits en erreur, et les nombreuses questions que
j’adressai aux voyageurs de Hézeret-Imam me persuadèrent
de l’existence réelle des descendants des Grecs
dans ces contrées. Ces individus n’y sont pas isolés et
dispersés çà et là, mais réunis en tribus, occupant
d’assez vastes territoires; rien cependant dans leur
langage ou dans leurs moeurs ne rappelle leur origine;
ce sont des musulmans assez fanatiques, m’a-t-on dit,
qui au milieu des Tartares ne jouissent que d’une considération
douteuse. Toutefois on les respecte parce
qu’ils ne sont pas moins braves que leurs ancêtres, et
t Voir la note sur les Kaffirs, à \'Appendice.
que leur haine attire toujours des conséquences terribles
sur ceux qui en sont l’objet. Burnes, tout en admettant
l’existence de ces Grecs dans l’Asie centrale, a paru
douter que quelques-uns de leurs chefs appartinssent,
comme ils l’affirment, à la descendance d’Alexandre.
Il se basait sur l’assurance donnée par les historiens
du fils de Philippe, « qu’il n’avait laissé aucun héri-
« tier pour recueillir le fruit de ses immenses, con-
« quêtes *. » Ceci peut être vrai, quant aux héritiers
légitimes; mais ces mêmes historiens citent aussi
diverses galanteries de ce héros et laissent supposer
que s’il ne laissa point d’héritier direct, il propagea au
moins sa race dans plusieurs principautés de 1 Asie
centrale. Voici, par exemple, ce que j’ai trouvé dans
une vieille traduction de Quinte-Curce : « Après que
« les Macédoniens eurent assiégé et réduit à la der-
« nière extrémité la ville des Massagues, la reine
« de ce peuple, nommée Cléofée, fit enfin sa souci
mission à Alexandre. La princesse vint elle-même
« à sa rencontre, accompagnée d’une nombreuse
« suite de dames. Elle avait un fils qu’elle déposa
« aux pieds du roi, qui lui fit grâce et la rétablit com-
« plétement dans ses États. On dit que la beauté de
« la reine opéra plus en ceci que la clémence du
« roi, lequel en eut un enfant, qui porta depuis le
« nom d’Alexandre. »
i Les descendants des Grecs mentionnés p a r Burnes ne sont
pas mahométans : on les appelle des Siàh-Pouchts Kaftirs e t ils
résident dans les vallées de Hindou-Kouch, au no rd de la rivière
Kaboul. Les individus dont parle M. F e rrie r étaient sans doute
des Tadjiks des environs de Koundouz.—L.