
stupide politique a produit ses fruits. Les trois quarts
de la population ont émigré, les citadins dans l’Azer-
baïdjan et les nomades en Turkie. lien est résulté une
grande diminution dans le revenu de la province, mais
Meuhb-Ali-Khan s’inquiète fort peu de cela, et il a réparti
sur ceux qui sont restés l’impôt qu’acquittaient
précédemment ceux qui ont fui sa tyrannie. C’est un
malheur d’autant plus grand que cette contrée est une
des plus fertiles de la Perse ; les montagnes y sont
aussi productives que les plaines, les prairies offrent
des ressources telles, qu’on peut y élever des moutons
par centaines de mille. Ce sont les Kurdes de ces montagnes
qui alimentent en quelque sorte la capitale, où,
chaque printemps, ils amènent plus de soixante-dix
mille moutons ; un plus grand nombre encore se dirige
vers la Turkie, et tout indique que bientôtc’est vers ce
dernier pays que les nomades du Kermanehâh conduiront
la totalité des troupeaux qu’ils destinent à la vente.
Les chevaux de cette province ont une grande réputation
et tiennent beaucoup de la race arabe; à vrai
dire ils ont des formes plus larges que celles des
chevaux du désert : leur encolure est forte, leur
poitrail bien développé -, et ils peuvent être employés
aussi bien au trait qu’à la selle.
Les tapis1 sont encore une production qui enrichit
mort. Quoique le voyageur se fût liâté d ’envoyer un rapport silice
qu il avait vu à l’ambassade anglaise de Téhéran , il est à
peu près certain que l’on ne lit jamais rien pour empêcher le
tyran de continuer ses déprédations.—R .
1 Les tapis persans sont célèbres non-seulement par la beauté
de leurs dessins, mais encore par la finesse de leurs laines e t le
la province de Kermanehâh. Rien n’est plus beau, plus
moelleux, et en même temps meilleur marché que
ceux qui s’y fabriquent. Des dessins d’un goût parfait,
les couleurs les plus vives font une partie de leur mérite
qui se complète par leur longue durée. Ces tapis
sont fabriqués dans les villages et dans les campements
de nomades, le plus souvent par des femmes
et des enfants. Leur fabrication n’exige pas un métier
savamment combiné : quatre piquets fichés en terre,
de manière à retenir les fils de laine, tel est le simple
mécanisme employé pour tisser ces magnifiques tapis.
La manne (guzenguébine) 1 se récolte en abondance
dans le Kermanehâh; les Persans la mêlent avec de
la farine et du sucre, et en font de petites tablettes
dont ils sont excessivement friands. Ils en expédient
dans toutes les parties de l’Asie.
Le revenu de la province de Kermanehâh, qui
bon teint de leurs couleurs qui sont toutes végétales. Le vert
persan ne se fait qu’en Pe rs e ; quant au safran e t à l’indigo, ce
sont des couleurs dont 011 cherche encore le secret. Quelques-
uns de ces lapis valent de cen t cinquante à deux cents francs les
deux mètres carrés dans le pays même. Les tapis les plus fins
sont fabriqués à Senna. Il y a aussi une manufacture célèbre à
Ferraoun, près de Téhéran , qui a appartenu au feu Serdar
Baba-Khan. On peut y fabriquer des tapis de toutes les grandeurs
voulues. Autrefois les plus beaux lapis se faisaient à
llérat : au Chehil Minar, la manufacture d ’Ispahan, on fabrique
des tapis qui ont 140 pieds de long sur 70 de large. Avant la
guerre d’Orient, on exportait la plupart de ces tapis pour l’Angleterre;
par la voie de Trébizonde, e t on les vendait à Londres
presque aussi bon marché qu’en Perse même.—R.
1 La manne est produite par une mouche verte qui la dépose
sur le derrière de la feuille du chêne nain. Du moins telle est
l’assertion de Diodore de Sicile.