
d’énormes chiens quand nous allâmes changer nos
chevaux à leur campement.
Nous nous engageâmes ensuite dans une autre
montagne sur laquelle nous vîmes trois vieilles
forteresses ruinées et abandonnées. Une quatrième
renfermait dans ses murs un espace considérable,
planté d’arbres; des cultures et des huttes en
roseaux, recouvertes de bousillage, y révélaient la
présence de quelques habitants. Une farsang plus loin,
la montagne offrit à nos yeux un aspect sévère et fort
pittoresque : les rochers se scindaient en une infinité
d’aiguilles effilées de la forme la plus bizarre. Les
parois du roc qui leur servait de base étaient naturellement
unies et taillées à pic de chaque côté de
la route ; mais, à droite, elles étaient, à une vingtaine
de mètres de hauteur, percées d’une infinité de petits
soupiraux oblongs, ouverts vers l’orient, de l’utilité
desquels je ne pus pas d’abord me rendre compte.
Certaines paroles de mon guide ayant piqué ma curiosité,
je descendis de cheval et grimpai jusque-là
par une fissure très-roide, paraissant avoir été antérieurement
un escalier. Arrivé au poinl culminant,
je trouvai une excavation dans laquelle je m’enfonçai
et qui me conduisit à l’entrée d’une centaine
de chambres creusées dans le roc vif : les soupiraux
visibles du dehors servaient à y laisser arriver
le jour. Ces chambres avaient issue sur un
vaste couloir s’étendant sur iO mètres de largeur
jusqu’à 140 de longueur. Une large rigole pratiquée
au milieu du couloir, avec des bassins de distance en
distance, semblait indiquer qu’un cours d’eau avait
dû passer par là; la montagne était creuse à l’intérieur,
et plusieurs étages de chambres se trouvaient
ainsi superposés en gradins les uns au-dessus des autres.
On parvenait à chaque étage par un chemin tournant
en spirale autour de la concavité. Je demandai
à mon guide s’il connaissait l’origine de cette singulière
habitation; mais il ne me répondit rien de satisfaisant
: il se contenta de former des voeux afin qu’il
ne m’arrivât aucun malheur pour avoir pénétré dans
cette demeure des mauvais génies ‘, qui en avaient
pris possession, disait-il, après en avoir chassé les
premiers hommes. , *
En quittant cet endroit nous cheminâmes encore
5 farsangs dans la montagne et nous traversâmes
plusieurs vallées où se trouvaient d’assez nombreux
campements de Hézarèhs et de Firouz-Kouhis, soumis
au Serdar Hassan-Khan, qui commande à Dooulet-Yar.
Ce chef a épousé une soeur de Mahmoud-Khan de Ser-
Peul, et je devaislui remettre une lettre de ce dernier :
mais comme j’allongeais ma route de quatre farsangs
en allant à Dooulet-Yar, je me contentai de lui dépêcher
Rabi, que je fis conduire par un nomade du relai
où nous avions changé nos chevaux, avant d’arriver
au Kalèh des Div (forteresse des Génies). Je lui avais
recommandé de venir nous rejoindre à Singlak, où je
» On rencontre dans plusieurs parties de l’Afghanistan des
rochers creusés de la même manière, dont la taille est attribuée
aux sectateurs de Bouddha. Les cellules qu’on y voit étaient destinées
à contenir les ascétiques de la secte. 11 y a aussi certains
spécimens remarquables de ces mêmes rochers taillés dans la
vallée supérieure de l’Urgandâb.— Ed.