
d’Ivan et deux Mollahs,suivis d’une espèce d’intrus qui
remplissait auprès d’eux toute espèce d'offices. Comme
le Mollah Ali, ils portaient tous le turban blanc, l’habit
fermé et la barbe longue. Mais quelle différence
entre eux ! Ceux-ci étaient sales et puants comme des
capucins. Leurs yeux, constamment baissés vers la
terre ou levés vers le ciel, ne changeaient jamais de
direction que pour regarder de côté, et leur expression
dénotait autant de bigoterie que d’hypocrisie. Ils étaient
aussi laids au physique qu’ils me paraissaient l’être au
moral, et ces drôles avaient toujours soin de se tenir du
côté opposé à celui où je cheminais, afin d’éviter mon
contact impur. A vrai dire, je me vengeai du superbe
mépris qu’ils semblaient .manifester à mon endroit, en
les tenant toujours sous le vent, afin de leur envoyer
mes émanations contaminatoires, ce qui les désespérait
fort.
Kienguaver.— 15 avril.—4 far sangs, six heures et
demie de route, à travers des vallées, des plaines et
des montagnes couvertes d’une végétation aussi luxuriante
que celle du pays que j’avais parcouru la veille.
Après quatre heures de marche, on arrive sur le versant
d’une montagne, d’où le superbe mont Nahavend
apparaît tout à coup avec son éclatante couronne de
neige. La localité qui donne son nom à cette montagne
se trouve de l’autre côté du pic; c’était anciennement
une place forte très-importante, souvent citée dans
les annales de la Perse. Sa distance sud-ouest d’Ha-
madân est de quinze lieues environ. C’est à Nahavend1
1 La ville de Nahavend esi bâtie au pied de la chaîne nord-est
que fut livrée la fameuse bataille où les troupes du
Khalife Omar , commandées par le chef arabe Noman,
qui y périt, battirent les Persans, en l’an de J.-C. 641,
et de l’hégire 2 t, sous le règne de Yezdjird, princ
sassanide, qui fut tué, peu de temps après sa défaite,
par un meunier de Merv, chez lequel il s’était réfugié.
La dynastie des Sassanides avait régné quatre
cent quinze ans sur la Perse ; elle s’éteignit avec
Yezdjird, et la Perse passa dès lors sous la domination
des Khalifes, qui forcèrent sa population à embrasser
l’Islamisme. — Les Turks s’étant emparés de Nahavend,
Châh-Abbasle Grand la reprit Sur eux en 1602,
et en fit ruiner les fortifications. Depuis ce moment,
elle n’a cessé de marcher à sa décadence. Aujourd’hui
elle ne compte pas plus de mille à douze cents feux.
Bouroudjird, autre ville située un peu plus au sud-
est, est le chef-lieu d’un petit gouvernement qui porte
son nom. Elle compte douze mille habitants environ,
parmi lesquels un grand nombre de Seïds, de Mollahs
et autres gens d’Eglise très-fanatiques. Elle est habituellement
gouvernée par un prince du sang; c’est là
que se trouvent les plus gras pâturages de la Perse, ce
qui fait que le Châh y laisse toujours, en temps de
paix, une partie de sa cavalerie en cantonnement. A un
quart d’heure de Kienguaver, on traverse une étroite
rivière sur un petit pont en briques de quatre arches,
des montagnes, sur quelques mamelons aplatis. La citadelle
s'élève au milieu de la ville ; c’est un bâtiment d’un aspect imposant
et d’une force r é e l le ; ses murailles, bâties sur un pic
élevé, sont faites de pisé d ’une dureté ex trao rd in a ire , e t se
dressent à une centaine de pieds au-dessus du sol.—R.