
Naïm-Abad, nous arrivâmes au campement du gouverneur
Soliman-Khan, dont l’intervention m’avait
été si utile à Semnân. Il était encore sur pied, quoiqu’il
fût plus de minuit, et s’occupait à faire redresser
ses tentes que l’orage avait mises en lambeaux. Son
accueil fut tout aussi gracieux et aussi bienveillant
que lors de notre première rencontre : ce qui me
prouva qu’il ne m’avait point oublié, c’est qu’il me
remit des provisions qu’il avait fait préparer avant
mon arrivée et à mon intention. Après avoir pris le
thé avec lui, je rejoignis en toute hâte la caravane.
Au point du jour, nous arrivâmes à Dèh-Mollah. Ce
village, de 250 maisons, est entouré de vastes jardins
et de cultures très-étendues, arrosés pa,r un cours
d’eau saumâtre, ce qui nous obligea d’aller camper à
dix minutes plus loin, auprès d’un caravansérail-châh,
non loin duquel passe un ruisseau d’excellente eau.
ses ordres, les habitants furent respectés, ju sq u ’au moment où
le bruit s’étant répandu dans la ville qu’il était mort, ceux-ci se
révoltèrent contre l’armée persane. Alors, il ordonna un massacre
général, et il assista à cette boucherie du sommet d ’une
mosquée afin de mieux voir ce qui se passait. Ce fut là que
Mohammed-Châh alla trouver le vainqueur e t le supplia d ’épargner
son peuple. « L’empereur de l’Inde ne m’aura pas sollicité
en v a in , » répondit Nader, qui fit aussitôt cesser le c a rnage.
Son pouvoir sur ses soldats était tel que ses ordres furent
exécutes à 1 instant. Après avoir replacé l’empereur su r son
t r ô n e , Nader-Châh reto u rn a en Perse , soumettant su r son
passage le Scinde, les pays de Balkh e t de Bokhara,et leKhoua-
risme ou Khiva. Il fit de Meched sa nouvelle capitale e t le point
de ralliement d ’où il p a rta it pour combattre les Lesghins e t les
Turks. Dans les six dernières années de sa vie, il se montra cruel
e t sanguinaire, e t fut assassiné en l’année 1747. (Perse par
Malcolm, t, 11).
Quelques ruines environnent ce caravansérail, qui,
comme toüs ceux que l’on trouve en Perse, est une
véritable forteresse garnie de meurtrières, et inexpugnable
pour les pillards du pays. On ne peut pénétrer
dans ces bâtiments que par la porte, qui est habituellement
faite avec d’épaisses planches de bois dur,
recouvertes de clous et de lames de fer, ou bien en
démolissant les murailles, ce qui, dans le cas où l’édifice
serait défendu par une trentaine d’hommes armés
de fusils, ne pourrait se faire qu’avec de l’artillerie.
La petite chaîne de montagnes située à une farsang au
sud de Dèh-Mollah contient des mines d’or et de cuivre.
Il y avait à peine une heure que nous nous reposions,
lorsqu’un sultan (capitaine), porteur d’un fer-
man royal, descendit dans notre campement, annonçant
qu’il venait arrêter quelqu’un pour le conduire a
Téhéran. La personne qui m’aurait regardé en ce moment
m’aurait certainement vu changer de couleur,
car j’étais convaincu que Tordre d’arrestation me concernait
: par bonheur je me trompais, cet ordre était
pour un négociant de la capitale, accusé de l’avoir
quittée, en négligeant de remplir ses engagements.
La ville de Meched, où il se rendait, est un lieu d’asile
(besl) inviolable, même pour les plus grands criminels,
parce qu’elle renferme le tombeau du saint Iman
Reza; le capitaine avait donc fait diligence, dans la
crainte que celui qu’il poursuivait n’arrivât dans cette
ville avant qu’il l’eût rejoint. Ce négociant était avec
nous; il fut aussitôt arrêté et ramené au campement
de Soliman-Khan, auquel il démontra clairement qu’il
était victime d’une intrigue : il ne put pourtant pas