
pas de si peu. On ne manquerait pas de leur imposer
une taxe qui deviendrait de plus en plus lourde, dès
qu'il serait constaté qu’ils ont augmenté leur rapport.
Ils préfèrent donc vivre au jour le jour et aller chercher
des provisions de bouche à Châh-Roud et à Sebz-
Var pour les revendre, avec de gros bénéfices, aux
caravanes, plutôt que de se donner un bien-être apparent
qui serait pour-eux une source de calamités.
Chah-Abbas avait fondé un autre village géorgien à
une heure au N.-E. de Abbas-Abad, mais tous les habitants
en ont été enlevés par les Turkomans : quelques
ruines seules indiquent quelle fut sa position.
Mézinân. — 18 mai. — 7 farsangs, que nous franchissons
de jour enhuit heures et demie parune route
sablonneuse, plate et facile, mais •excessivement imprégnée
de sel. Nous savions qu’elle était interceptée
depuis plusieurs jours parles Turkomans, qui avaient
attaqué Abbas-Abad l’avant-veille; mais comme ils
n’étaient qu’une cinquantaine armés seulement de
lances et d arcs, nous nous confiâmes dans notre nombre
et surtout dans les armes a feu dont bon nombre
d’entre nous étaient pourvus. Nous partîmes au lever
du soleil, et une heure après, nous découvrions ces
brigands embusqués dans un lieu nommé Ser-Tche-
chmè (source de la fontaine). A peine avaient-ils fait
un premier mouvement hostile que nous leur envoyâmes
une grêle de balles, auxquelles ils répondirent
par des flèches tirées hors de portée, puis ils
se replièrent jusqu’à Peul-Ebrichim, où étaient postés
une trentaine des leurs. Là ils tentèrent encore
de nous effrayer en poussant un hourrah général, et
en voltigeant sur nos flancs comme des gens qui se
disposent à attaquer, mais dès qu’ils furent à bonne
portée, nous leur lâchâmes une nouvelle bordée dont
le résultat fut malheureusement à peu près nul : nous
ne tuâmes qu’un cheval. Après s’être relevé et nous
avoir montré, en signe de mépris, la partie la moins
honorable de son individu, le cavalier démonté sauta
lestement en croupe sur la monture de l’un de ses camarades
et tous disparurent en un clin d’oeil, à notre
grande satisfaction.
Les Turkomans inspirent à juste titre une très-
grande terreur aux voyageurs et aux habitants des
contrées exposées à leurs excursions. A armes égales,
c’est-à-dire dix lances contre dix, les Persans
prennent toujours la fuite devant eux. Cela s’explique
par l’horrible perspective qu’ils ont du sort qui les
attend lorsqu’ils ont le malheur de tomber entre les
piains de ces barbares, qui ne sont cependant que
leurs premiers bourreaux, car les Uzbeks, auxquels
ils les vendent, ne sont pas moins cruels qu’eux. Un
Européen qui visita Khiva en 1819 nous a donné des
détails affreux sur le sort des esclaves russes et persans
qu’il vit dans ce khanat au nombre de plus de
30,000. Les Khiviens les enterraient vivants chaque
foisqu’étant d’une autre religion ou d’une autre secte
que la leur, ils refusaient de s’y convertir; ils agissaient
ainsi, dit-il, pour ne pas souiller la terre de leur
sang impur. On ne trouve nulle part d’exemple d’une
atrocité pareille à celle qui mit fin à la vie du général
Bekewitch, fait prisonnier par les Uzbeks pendant une
expédition que les Russes entreprirent contre cette