
liers de serbas pour les punir. Mais pendant que ceux-
ci pillent de fond en comble les premiers aoûls, le
gros de la tribu se retire chez les Tékiés ou dans le fond
es steppes, et il est impossible aux troupes royales
de le suivre. Les soldats sont donc obligés de se retirer
après avoir rempli très-imparfaitement la mission qui
leur était confiée, emmenant avec eux, en otage, les
femmes et les enfants de quelques familles qu’ils ont
dépouillées. Aussitôt après leur départ, les hommes
qui ont fui à leur approche se livrent avec plus d’ardeur
qu’auparavant au pillage des caravanes, afin de
récupérer ce qu’ils ont perdu, et qui se compose habituellement
d’une tente, de quelques feutres et d’une
mince batterie de cuisine. Quant à son argent comptant,
un Turkoman ne le porte jamais sur lui; il l’enterre
dans un lieu sûr et écarté dont il a seul le secret,
et c’est une ressource qu’il garde pour les occasions où
la fortune tourne contre lui. En se dessaisissant d’une
partie de ce pécule en faveur des chefs persans, il sait
que c est un moyen infaillible de les humaniser et de
se faire rendre par eux sa femme, ses enfants et presque
tout ce qui lui a été enlevé. Le dommage qu’il
supporte se borne donc à peu de chose et est bien loin
de compenser celui qu’il a fait subir aux Persans.
Les dépenses que fait un Turkoman pour se vêtir
et s’alimenter sont insignifiantes : une longue e.t large
robe de bure ou de cotonnade, un pantalon et une chemise
en toile grossière avec un bonnet de peau de mouton
lui suffiront pendant plusieurs années; du maïs, un
peu de blé, du millet et du lait aigre caillé satisferont
ses besoins. Ceux qui vivent ainsi en Europe sont considérés
comme étant dans l’indigence; il y a cependant
des millions d’individus en Asie qui mènent une
pareille'vie, et je puis affimer qu’ils sont très-satisfaits
de leur sort. En comparant cet état de choses
à notre manière de vivre, en Europe, jome suis souvent
demandé si c’était vraiment le bonheur qu’on se
donnait, en satisfaisant son appétit avec rnille aliments
divers, en achetant une foule de colifichets, en renouvelant
les modes, en étalant le luxe le plus.effréné; et
j’en suis arrivé à conclure que si le bien-être des peuples
de l’Asie peut être amélioré, on pourrait aussi
retrancher de l’existence des Européens une foule de
superfluités qui, devenues un besoin par suite de
l’usage qu’ils en font, excitent à la vanité, à l’égoïsme,
enfin à tous les mauvais sentiments, et provoquent ces
révolutions qui font répandre tant de sang sans améliorer
le sort des hommes.
Les Turkomans ne s’aventureraient jamais aussi
avant dans la Perse, pour faire leurs tchap-aoûls, s’ils
ne possédaient pas une race de chevaux si belle et
si bonne : aussi donne nt-ite plus de soins à leurs
montures qu’à leurs femmes et à leurs enfants. C’est
mieux que de la tendresse, c’est de la passion qu ils ont
pour ces animaux, et c’est un péché à leurs yeux de
les maltraiter. Celui qui s’en aviserait encourrait la
réprobation générale de sa tribu, Un cbeval est pour
eux ce que le navire est au capitaine armateur, il
porte et leurs biens et leur vie, et ils prétendent que
son dos est la meilleure des forteresses. C’est effectivement
à cheval qu’ils combattent toujours, et il n’y
a pas d’exemple que des Turkomans sè soient volon