tion; en voyant cette belle et fertile nature, on comprend
sans peine la prédilection que divers souverains
ont montrée pour Nichapour. Après cinq heures et
demie de marche dans la plaine, nous laissâmes à
droite le gîte de Kademguiah, où l’on va camper
,quand on a l’intention de se rendre à Meched par
Chérif-Abad, et nous nous engageâmes dans la grande
chaîne de montagnes située sur notre gauche. Cette
route est plus courte que l’autre de trois farsangs,
mais, elle a l ’inconvénient d’être très-escarpée et fort
rude à gravir. Après avoir grimpé une heure encore,
nous arrivâmes à Dèh-Roud, gros village de 400 maisons,
placé dans la situation la plus pittoresque au
fond d’une gorge, entouré de très-beaux jardins-rem-
plis d’une multitude de platanes et autres arbres séculaires,
fournissant des ombrages frais et touffus.
Des ruisseaux nombreux et d’excellentes eaux vives,
descendant des montagnes, coupent le sol en tout sens;
c’est vraiment le séjour le plus délicieux qu’on puisse
imaginer. Ce village paye 1,000 tomans d’impôt à
l’Etat.
Turgovéh. — 24 mai. — 6 farsangs, dix heures de
parcours à travers la montagne la plus rude et la plus
escarpée que j’eusse encore franchie en Perse. Le sol,
couvert de cailloux et de blocs roulés, serpentait dans
un étroit défilé et s’élevait par des gradins successifs
grossièrement pratiqués dans le roc, façonnés et rendus
accessibles par le passage continuel des caravanes,
car la main des hommes n’a jamais essayé d’y aplanir
les difficultés. L’eau torrentielle, provenant des
neiges fondantes et de nombreuses sources, recouvrait
le chemin sur les deux tiers de sa longueur, à la
montée comme à la descente ; ces torrents clairs et
limpides contiennent une quantité d’excellentes truites'
qui appartiennent au défunt Iman Réza. Cette propriété
a étéconstatée par le songe qu’eut, il y a environ
quarante-cinq ans, un des premiers Mollahs de Meched,
grand amateur de ces poissons, dont il envoyait
pêcher un panier à la montagne tous les deux
jours. Comme les truites étaient devenues rares,
il supposa que c’était parce que la sainte cité contenait
un trop grand nombre de consommateurs. Il
voulut mettre un frein à leur gourmandise, en rendant
un fetva (édit) basé sur le prétendu songe qui
lui avait révélé la propriété de l’Iman Réza. Depuis
ce moment, c’est le clergé musulman de Meched
qui seul a le privilège de faire pêcher des truites
à la montagne de Dèh-Roud. Mais pour revenir à la
route, dont cette petite digression nous a éloignés, j’ajouterai
qu’une grande quantité d’arbres sont groupés
tout le long du défilé sur les bords de l’eau, et que l’on
chemine presque toujours sous leur ombrage; ils produisent
l’effet le plus pittoresque, encaissés comme ils
le sont entre de haut pics sur lesquels on voit paître,
dans les endroits les plus élevés et les moins abordables,
des troupeaux de cerfs et de chèvres sauvages.
Le peuplier, le saule, le frêne et le platane sont les
arbres qui dominent là sur beaucoup d’autres espèces
qui me sont inconnues; l’épine-vinette sans pépin
s’y trouve en abondance, ainsi que la racine acidulée
appelée en persan rivas, èt que je crois être la rhubarbe
verte. Après trois heures de marche nous