
virent dans la nécessité de l’interdire. 11 se serait
même attiré d’assez vilaines affaires si les Anglais ne
l’eussent pris sous leur protection : ils en firent presque
un martyr. Wolf passa donc aux protestants; il
ne se montra pas plus sensé après ce revirement
religieux qu’il ne l’avait été auparavant. Un Anglais,
haut placé et digne de confiance, m’a assuré qu’il
s’était marié à une grande dame anglaise dont les
idées religieuses étaient aussi mobiles et aussi exaltées
que les siennes. Quand il alla demander sa main à
son frère, de qui elle dépendait, celui-ci lui répondit :
« Je n’ai jamais connu jusqu’ici qu’une seule personne
plus stupide que ma soeur ; cette personne, c’est vous:
il serait dommage de vous séparer, mariez-vous donc
et ne m’ennuyez plus. »
J’aurais bon nombre d’histoires, plus ou moins plaisantes
à conter, pour prouver que l’esprit du docteur
Wolf n’est pas très-sain ; mais cela m’entraînerait trop
loin, et je reviens à son voyage de Bokhara. En arrivant
à Meched, il eut la douleur de se trouver en
présence de plusieurs Mollahs musulmans auxquels
il avait positivement prédit, en 1832, qu’en 1840 Jésus-
Christ devait revenir sur terre, et forcer tout le genre
humain à embrasser la religion anglicane. Il est certain
que cette prophétie ne s’était pas réalisée. C’est
une des prétentions du Révérend de vouloir passer
pour inspiré ; il croit n’avoir besoin que de se présenter,
la Bible à la main et le sourire sur les lèvres,
pour convertir les musulmans ou les idolâtres les plus
endurcis, et il a la ferme croyance qu’aussitôt après
avoir parlé à quelqu’un, il a extirpé de son coeur la
mauvaise semence* et l’a rendu à la vraie foi. C’est
l’homme du monde le moins fait pour les expéditions
périlleuses : chose bizarre cependant, nul plus que lui
n’est tenté de les entreprendre, et cela dans le but
d’acquérir une haute renommée apostolique et de se
faire passer pour un prophète. Les sélam-alelcs et les
bénédictions qu’il dit avoir reçus en entrant à Bokhara,
n’existèrent jamais que dans son cerveau, et les
petits enfants, au lieu de venir baiser le pan de sa
robe, comme il l’a cru, l’accueillaient en lui disant
des injures et lui jetant des pierres. Ce furent là
les premiers signes de l’hostilité des Bokhares à son
égard, et au lieu de se roidir contre leurs mauvaises
intentions, de conserver une apparente fermeté,
il perdit tout d’un coup contenance et crut les
ramener à de meilleurs sentiments en se lançant dans
de folles prodigalités, qui ne pouvaient que lui attirer
un surcroît de mauvais traitements de la part de cette
population avide. Son assurance l’abandonna au moment
où il en avait le plus besoin, et, après deux ou
trois jours de résidence à Bokhara, sa raison, déjà si
peu solide, parut tout à fait bouleversée. On s’etait
aperçu tout de suite de la timidité de son caractère,
et l’on cherchait à l’effrayer par toutes sortes de
mensonges : il tâchait de conjurer le danger, comme
je l’ai déjà dit, en faisant de grandes largesses, et c’était
justement là ce qui lui en créait chaque jour de
nouveaux.C’est ainsi qu’Abd-ul-Samut-Khan parvint à
lui extorquer pour6,000 tellahs de traites, qu’il refusa,
dit-on, d’acquitter plus tard. Le jour de sa première
présentation à l’Émir Nasser-Ullah-Khan, il était si