
casser le col dans des chemins semblables. Le gouverneur
de la province, Khanlar-Mirza, frère du Chah,
avait d’abord placé des gardes dans un vieux caravansérail
inhabité qui se trouve à mi-chemin, dans les
défilés de la montagne où l’on marche pendant quatre
heures ; mais ces gardes, faute d’être payés et nourris,
ont abandonné leur poste et se sontretirés chacun chez
eux, sans que personne leur ait demandé compte de
leur désertion. Leur caserne est aujourd’hui occupée
par les mêmes bandits dont ils avaient mission de réprimer
les brigandages, et le gouvernement ne s’occupe
[»lus de ceux-ci. Des habitants d’Hamadân, assez
bien informés, m’ont assuré que ces pillards n’étaient
là qu’avec l’autorisation du gouverneur, moyennant
une rétribution qu’ils lui payaient en déduction des bénéfices
qu’ils réalisaient de vive force sur les passants.
J’étais prévenu à l’avance de leur rencontre, mais on
m’avait dit aussi qu’ils étaient assez honnêtes dans
leur industrie, et que nous nous en tirerions sans qu’il
en résultât de grands dommages pour nos bourses.
Lorsque nous passâmes près de leur retraite, ils nous
signifièrent d’arrêter. Us pouvaient nous dépouiller
complètement, car ils étaient une douzaine, tous bien
armés, tandis que parmi nous, il n’y avait que moi
qui eût un fusil; mais ils se comportèrent plus humainement.
Assimilant les bêtes aux hommes, ils nous
taxèrent les uns et les autres à trois sahebkrans (trois
francs soixante-quinze centimes) par tête. Heureux
d’en être quitte à ce prix, je déboursai ma quote-part
sans murmurer, ce qui me valut des félicitations et
des voeux pour mon bonheur de la part de celui qui
me parut être le chef et l’orateur de la bande; mais
le gros Mollah qui me détestait fort, ne se montra pas
aussi facile que moi et refusa obstinément d’acquitter
le droit reclamé par ceux qui se décoraient assez
effrontément du titre deRah-dar (gardiens de la
route). Il invoquait Ali, mille autres saints de cette
trempe, et faisait valoir la sainteté de son caractère ;
il parlait aussi d’indulgences, de la miséricorde de
Dieu, du paradis, de l’enfer et d’une foule de choses de
ce genre dans lesquelles les Rah-dars paraissaient avoir
assez peu de foi. Enfin il résista à un tel point que les
bandits le couchèrent à terre, vidèrent ses poches et le
congédièrent après l’avoir rossé. Il pensait devoir en
être quitte pour ce petit désagrément, lorsque celui qui
m’avait complimenté, s’apercevant que le gros turban
de notre Mollah pourrait avantageusement remplacer
sa propre ceinture qui était hors d’usage, s’en
empara sans plus de façon, et découvrit l’argent
qui s’y tenait caché, laissant à nu le chef rasé de cet
infortuné, dont le désespoir les toucha fortpeu. Pour
mou compte, je ne riais pas, mais j’avoue, quelque
honte qu’il doive en rejaillir sur mo i, que j’en avais
grande envie. Nous descendîmes encore deux heures
et demie après cette aventure, avant d’apercevoir
Hamadân L Cette ville n’est visible que lorsqu’on
‘ Rien n ’est plus admirable que l’aspect de Hamadân, non pas
de la ville, mais du pays où elle est située. Qu’on se figure un
sol ondulé, fertile, arrosé par d’excellentes eaux, éclairé p a r
une atmosphère limpide, saine e t pure, placé dans le voisinage de
montagnes p ittoresques, au sein desquelles la population se re lire
pendant la saison torride de l’été. Certain matin, par un temps