
gardais depuis Bagdad, au plus grand détriment de
ma considération et de mon bien-être; mais je voulus
contrer dans les fragments de rochers laissés jadis sur place et
négligés pour d’autres recherches de date plus récente. Le roc
a été creusé à différents étages , mais presque toujours vers sa
base, et on y voit la trace de nombreuses ga le rie s, de tunnels,
de puiis écroulés depuis longtemps. Ils sont encore désignés par
leurs noms , e t les plus considérables s’appellent Abdourryzctk
Ghahi-Perdar, Khartjdji, Kéméri-Khaki et Gour-Séfid.
« Ayant payé d’avance les mineurs, afin qu'ils donnassent
quelques coups de pioche en faveur du Bè-Taleï-Saheb, c’est-
à-dire de l’astre heureux du voyageur, il nous fut permis d’assister
aux travaux dans la mine d’Abdourryzak ; on s’y sert pour
.faire eclaler la roche du même procédé que celui employé pour
le sel, avec cette différence, qu’au lieu d ’une boule d ’argile
destinee à amortir le coup, on introduit dans le forage un pelor
ton d herbes sèches. Dès que les lézardes commencent à se
former et à s’en tr’ouvrir, on prend alors des précautions infinies
pour ne point entamer les turquoises qui peuvent s’y rencontrer.
Elles ne s y trouvent point dans le creux d ’une géode, à la manière
des améthystes, mais on les voit comme incrustées, comme
empatees dans la matrice, au nombre de vingt-cinq à trente et
plus ou moins réunies. Chacune de ces pierres précieuses est
recouverte d une enveloppe calcaire extrêmement mince, blanche
du cote adhérent à la turquoise, brune vers la portion qui repose
ans la gangue. Je me suis demandé souvent comment il se
faisait que la substance colorante se fût a rrê té e précisément à
extérieur, et qu’elle n’eût point altéré la pureté de la turquoise •
mais je me borne à raconter ce que j ’ai v u , sans vouloir m'e
charger de 1 expliquer. Quant à la couleur de la turquoise même
je n en dirai pas davantage, si ce n ’est qu’on rencontre sur le
liane de cette même montagne du Benalou-Kouh des indices de
cuivre carbonaté vert e t bleu, tout pareil aux belles variétés de
malachite.
« Q u o iq u e ia fortune m’ait été peu favorable dans ma tentative
dé re ch e rc h e s, j ajouterai cependant que les plus belles tu rquoises
sont extraites de la mine où nous nous trouvions, e t que
me donner la petite, satisfaction de le faire avec un
certain éclat, n’étant pas fâché de prouver aux pèlecelles
du Kharydji ne viennent qu’après celles-ci. Je crois devoir
ré p é te r que les meilleures trouvailles ont lieu dans les
excavations les plus anciennes.
« Après avoir raconté comment on obtient les turquoises
pierreuses, je veux dire un mot sur celles qu’on doit au lavage.
Pour nous rendre compte de l’opération, nous nous dirigeâmes
vers une colline située au midi du village construit dans la
vallée ; là ne se rencontre plus le roc, mais le sol y e st composé
sur un fond argileux de gravier et de cailloux roulés, indiquant
un terrain d ’alluvion. Il fallut de nouveau payer d’avance et
essayer l’influence de mon étoile : après qu o i, plusieurs tamis
remplis q.u hasard du gravier e t des cailloux en question, qu’on
venait d’extraire d ’un puits récemment o u v e rt, furent portés
aussitôt dans une pièce d ’eau courante qui se trouvait au bas de
la colline; plusieurs immersions furent nécessaires pour emporte
r la te rre mélangée au sable,'contenant les turquoises, qu’on
reconnaît promptement à leur teinte azurée, e t dont nous tro u vâmes
un assez bon nombre de grosseur raisonnable, mais malheureusement
d ’un ton très-pâle et p ar conséquent de peu de
valeur. Les travailleurs nommaient ces pierres tazè madène ou
de la nouvelle mine, par opposition à celles d’une couleur beaucoup
plus brillante, qui toutes proviennent des anciennes mines.
Ils affirment que les turquoises sont semblables aux cerises,
sous ce rapport que les unes et les autres acquièrent de la couleur
en mûrissant. Ils ajoutent seulement que la maturité parfaite
d’une cerise peut s’obtenir de l’action du soleil pendant l’espace
d’un printemps, tandis qu’il faut mille ans pour qu’une turquoise
arrive au même résultat.
« On a déjà remarqué l’influence pernicieuse que le travail
des mines exerce non-seulement sur le physique, mais encore
sur le moral des hommes qui y travaillent. Ce fait se trouve
également bien constaté par ce qui se passe journellement ici.
Les habitants de Madène passent, à juste titre , pour les trom peurs
les plus consommés de l’Orient. Il est vrai que la cupidité
et la mauvaise foi de ceux qui les dirigent pourraient peut-être