
constructions modernes et n’indiquent nullement les
restes d une antique et vaste cité. Les Persans, qui
ne sont jamais embarrassés pour expliquer l’origine
de leurs villes, parce qu’ils l’inventent au besoin avec
une extrême facilité, en empruntant leur sujet aux
traditions les plus fabuleuses, les Persans, disons-nous,
auraient laissé une lacune dans leur histoire, s’ils n’avaient
aussi inventé un conte relatif à celle de Dam-
ghân. Ils disent donc que son emplacement fut
d abord occupé par un palais d’argent, o ù , comme
toujours, vivait captive une belle princesse passionnément
amoureuse d’un beau seigneur qui finit par
l’enlever, l’épouser et fonder une grande ville autour
du palais. Cette ville, au dire de la tradition, s’appelait
Cheri-Gumuch, nom dont le premier mot est persan
et signifie ville et le second turc et signifie argent, ce
qui fait ville d'argent, en souvenir du palais où avait
été enfermée la princesse. Il va sans dire qu’il n’y a
rien dans ce conte qui puisse rappeler Hécatompylos,
mais le nom de cette antique ville est la base d’où
je suis parti pour me rendre compte de sa position.
Que signifie-t-il en effet? la ville aux cent portes. Or,
cent portes ici, dans le langage figuré, veut dire une
localité où aboutissent une foule de routes. Est-ce bien
là le cas de Damghân ? On peut répondre que non
sans hésitation, car, excepté la route qui conduit de
1 Irak en Khorassan, sur* laquelle se trouve cette ville
il n’y a qu’une seule autre route très-difficile et très-
peu fréquentée qui y aboutisse : c’est celle qui descend
des montagnes du Mazendèran *, par la gorge
1 Le Mazendèran est la province de la Perse qui se trouve
où coule la rivière de Damghân. Si, au contraire,
on se porte à onze farsangs plus loin à l’est, sur
l’emplacement où sont situés Châh-Roud et Bostam,
le nom d’Hécatompylos est justifié par la nature même
du pays. 11 y a là un vaste plateau enfermé entre des
montagnes que sillonnent des gorges profondes, par
où débouchent, de toutes parts, une foule de routes
qui viennent aboutir à ce plateau, partant de toutes
les localités importantes du nord et du sud de la
Perse, telles que : Kachan, Koum, Téhéran, Firouz-
Kouh, Sari, Asterabad, Gourghan, Boudjnourd, Kout-
chan, Meched, Turchiz, Toun et Tabbas. Il est vrai
qu’on ne retrouve guère plus de ruines à cet endroit
qu’à Damghân, mais-il ne faut pas oublier la manière
dont les Persans construisent depuis les temps
les plus reculés- Ce n’est qu’en Médie et dans le Fars
sur les rives méridionales de la mer Caspienne. C’e st un pays
de montagnes, très-feriile, e t ces élévations sont les seules du
pays', avec celles de la Géorgie, qui soient couvertes de forêls.
C’est là que croissent les bois propres aux constructions navales
appelés Azad-Derakht. Telle est la.cause pour laquelle Catherine
e t P ie rre le Grand désiraient s’emparer du Mazendèran et
de la province voisine, le Ghilam. Le Czarcrut un moment avoir
réussi par un tra ité qu' 1 avait en main, mais ce traité fut annulé
plus tard Depuis lors ju sq u ’à notre époque, les Russes ont fait
de puissants efforts pour obtenir, même un pied-à-terre, dans
cette province. Ils ont réussi, à l’heure q u ’il est, à s’emparer
de la pplite île de Ashounada, sise trè s-p rè s du rivage, dans le
voisinage d’A ste rab ad , et s ’y sont fortifiés. A l’cpoque des
temps fabuleux, le Mazendèran fut, dit-on, conquisparRoustem,
qui, assure-t-on, tua dans cet endroit un grand nombre d’éléphants,
e t, un fait très-curieux, c’est que ces animaux sont, de
nos jours, inconnus en P e rs e .— R.