
laisser reposer nos chevaux, que cette course toujours
ascendante avait beaucoup fatigués. Heïbak,
où nous descendîmes, est un gros village peuplé
d’Uzbeks de la tribu des Kandjélis, gouvernés par un
chef qui se dit indépendant, mais qui n’en obéit
pas moins en tout point au Wali de Khoulm, et lui
paye même une redevance qu’il qualifie de présent.
Ce chef réside dans une petite forteresse située sur
une éminence qui domine toute la vallée. Il est d’une
rapacité incroyable et perçoit un droit de circulation
sur les caravanes et les voyageurs qui passent par là.
Il était heureusement au camp de Sighàne quand, nous
arrivâmes dans son voisinage, et son préposé nous
laissa passer sans rien exiger de nous et sans s’inquiéter
de notre identité : il crut tout simplement
que nous étions des gens de l’Émir et que nous nous
rendions à Sighàne pour le rejoindre.
Le sol est d’une fertilité peu commune dans cette
localité et la végétation vraiment luxuriante. Les
jardins y sont nombreux et produisent des fruits
qui passent pour les meilleurs du Turkestan. Les céréales
sont peu cultivées à Heïbak ; les quelques
champs qui avaient été ensemencés cette année
ayant été complètement bouleversés par les sangliers
qui abondent dans les montagnes environnantes,
leur produit avait été presque nul. La rivière de
Khoulm passe à Heïbak, et ses bords depuis la ville
de Khoulm sont couverls d’une foule d’arbres fruitiers
à l’élat sauvage.
Korram. — 7 juillet. — 5 farsangs de distance à
travers des montagnes escarpées, par un défilé obscur,
encaissé dans des rochers taillés à pic de plusieurs
centaines de mètres d’élévation. C’est là un chemin
diabolique, couvert de pierres roulées, d’eau et de
broussailles. Cependant la vallée s’élargit par intervalles,
et l’on aperçoit çà et là des vergers et quelques
rares cultures autour de petits villages qu’on m’a
dit être très-favorisés par le climat, qui convient
admirablement à la culture des arbres fruitiers.
Nous arrivâmes d’abord à un village nommé Ser-
bagh et vers minuit à Korram, où étaient campés
une foule de blessés revenant du camp. Nous pensâmes
pouvoir nous arrêter près d’eux sans inconvénient,
puisqu’une clarté douteuse les empêchait
de se livrer à notre égard à des investigations
minutieuses; ils furent persuadés que nous étions
de leur parti et que nous allions rejoindre notre
chef. Ce qu’ils nous dirent nous démontra l'impossibilité
absolue où nous étions de dépasser le camp des
Uzbeks, où pour rien au monde je n’aurais voulu sér
journer. Il fallait cependant prendre un parti, et j ’inclinais
pour que nous retournassions sur nos pas jusque
près d’Heïbak, afin d’y prendre un chemin qui
se dirigeait à l’est, à travers les montagnes, vers la
petite ville de Tcharikar, d’où je pouvais gagner Kaboul.
Mais Rabi me représenta que ces montagnes
étaient habitées par la population la plus farouche de
tout l’Afghanistan, que l’Émir lui-même ne pouvait
y envoyer ses propres gens sans exposer leur
v ie , et qu’il nous serait impossible de les franchir
sans accident. J’insistai pourtant afin que nous
nous dirigeassions de ce côté, mais alors mes