
Tous ces petits Khans du Turkestan sont vraiment
incroyables avec leurs rivalités, qu'ils s’efforcent constamment
d’accroître ; il en résulte des guerres .permanentes,
pendant lesquelles il est impossible aux
habitants de ces fertiles contrées de développer les
richesses du sol, et d'entreprendre des travaux en vue
de bénéfices à venir. L'instabilité des choses publiques
arrête tout essor progressif, et c'est toujours le
malheureux peuple qui souffre le plus de l’ambition
des chefs, lesquels, dans leurs petits Khanats, sont les
souverains les plus absolus du monde. Ces Khans ne
reconnaissent la suzeraineté des princes de Hérat,
de Bokharâ ou de Khoulm, qui dominent sur ces
contrées, que par la crainte qu’ils leur inspirent, et
quelquefois aussi par l’intérêt qu’ils y trouvent; ils
changent de protection à chaque instant, car la crainte
ou l’avidité sont toujours les seuls mobiles de leur
conduite. Mais quel que soit le suzerain qu'ils adoptent,
il est rare qu’ils lui payent un tribut : celui-ci est au
contraire obligé de leur envoyer des khalats (habits
d’honneur) pour les contenter et se les rendre favorables.
Lorsqu’ils fournissent un contingent de troupes
au suzerain, en cas de 'guerre, ils ne perdent absolument
rien, puisqu’ils reçoivent de ce dernier une
indemnité en nature, et qu’ils trouvent dans le pillage
du pays envahi une ample compensation à leurs frais
de déplacement. Il y a parmi ces Khans de l’Asie centrale
un besoin naturel d’agitation, d’intrigue, de
perfidie et de domination; c’est un système qui probablement
date des temps les plus reculés et qui sera
certainement le même dans trois mille ans d’ici.
Andekhouye. — Je nwai pas visité cette ville, mais
voici les renseignements qui m’ont été fournis sur ce
qui la concerne. Les trois quarts de sa population appartiennent
à la tribu parsivane des Afchards, et ont
été établis là par Châh-Abbas le Grand. L’autre quart
se compose d’Uzbeks : mais le gouvernement de la ville
est presque toujours entré les mains d’un chef afchard.
Le nombre de ses habitants s’élève à quinze mille; ils
entretiennent mille huit cents cavaliers et six cents
fantassins : en cas de besoin ce nombre peut être triplé
en vingt-quatre heures. Andekhouye est éloigné de 5
farsangs seulement, au nord ouest, de Chibbergân.
Akhlchè.— 3 juillet. — Distance de 5 farsangs de
Chibberghân. On y arrive par une plaine très-fertile.
Les cultures se succèdent, l’une après l’autre, entre
cette localité et Andekhouye; c’est un immense jardin
qui présente le coup d’oeil le plus animé et le plus
pittoresque. La ville, outre sa muraille d’enceinte et
son fossé, est encore protégée par une citadelle, dans
laquelle demeure le gouverneur. Akhtchè contient six
à sept mille âmes de race uzbeke, et sa banlieue est
très-peu peuplée. On ne lève que deux cents cavaliers
pour la sûreté de ce petit territoire, qui se borne
presque à la ville ; au besoin pourtant on pourrait
mettre sur pied mille à douze cents soldats. Dans ces
petits Khanats de l’Asie centrale, il faut considérer à
peu près toute la population mâle arrivée à l’âge viril,
comme devant porter les armes. Les Khans ne prennent
à leur solde qu’un nombre d’hommes suffisant
pour la police de leur principauté, parce qu’ils
savent que s’ils sont attaqués, les volontaires ne
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