« ajoiita-t-il en regardant sa montre, il est h u it h eure s;
« soyez ici à dix, nous irons ensemble cbez M. Cbi-
« nery. «
(( Nous avions deux heures devant n o u s; nous re to u rnâmes
près de San Francisco p o u r te rm iner en attend
an t les dessins commencés. Mon comjiagnon était ravi
de la nouvelle connaissance que nous venions de faire.
,fe ne l ’étais pas moins, et comme lui je me laissais aller
au charme qui nous attirait vers l ’étranger, sans songer
à jiercer le mystère do n t il semblait s’entoure r, car il
n ’avait pas d it et nous ne Ini avions pas demandé son
nom.
« Nous fûmes exacts au rendez-vous. Notre obligeant
inconnu nous attendait. 11 voulut nous présenter à sa
femme, jeune dame aussi prévenante et aussi gracieuse
que son mari. L’un et l ’autre nous invitèrent à venir les
voir p en d an t notre séjour à Macao et à leur consacrer
toutes les soirées do n t nous n ’aurions pas à faire un
meilleur emploi.
« Je ne savais plus comment répondre à tontes ces
politesses et j ’étais de plus en jilus intrigué, sans oser
encore faire une question que mon camarade et moi
avions sur les lèvres. L’inconnu comprit sans doute notre
embarras e t , tandis que nous nous rendions ensemble
chez M. Cbinery, il eut soin de le faire cesser p a r quelques
mots glissés fort discrètement dans la conversation.
Nous apprîmes alors que nous venions de faire connaissance
avec le vice-consul anglais M. EDiot, capitaine de
la marine anglaise. M"'" Elliot était une créole de Saint-
Domingue, c ’est-à-dire presque une Française.
L ’a rtis te a n g
« M. Cbinery nous reçut à bras ouverts : il était passionné
p o u r son a rt et voyait en nous des confrères. Il
étala devant nos yeux ses ricbes albums, où de charmants
dessins marquaient presque toutes les pages. Plus
de deux mille croquis sur des sujets chinois garnissaient
ses nombreux cartons. Nous vîmes des esquisses pleines
de vie et de mouvement, des tableaux achevés, des ébauches
à l’huile e t à l’aquarelle. Je n ’ai pas la prétention
de juger les peintures ; mais je crois pouvoir du moins
apprécier les dessins et j ’avoue que j ’étais fort loin de
m ’attendre à tro u v e r un talent comme celui de M. Cbinery
ailleurs que dans une capitale d ’Europe.
« Entre nous la connaissance fut bientôt faite. En
moins d ’une heure, l’artiste anglais de Macao e t les modestes
dessinateurs de la Bonite étaient devenus des
amis. 11 nous invita à venir déjeuner avec lui le lendemain,
le surlendemain 11 aurait voulu que nous
passassions ensemble tontes nos journées. Nous a rran geâmes
une partie de dessin pour le lendemain matin,
et nous le quittâmes enchantés de n otre bonne fortune,
'l’ont avait été surprises p o u r nous dans cette matinée.
Nous en tirions un bon augure.
« En descendant à terre, le matin de Irès-lionne heure,