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fait accii.ser il exagération les peintres de marine dont
les tableaux nous émeuvent le plus.
Cette fois la simple nature défiait rimagination. Des
rafales impétueuses labouraient littéralement la mer,
enlevant des tourbillons d ’écume qui dessinaient leur
marcbe et rendaient pour ainsi dire le vent visible. Les
lames s’élevant comme des montagnes opposaient vainement
leur énorme masse à cette puissance irrésistible.
Comjirimées elles-mêmes, elles s ’aplatissaient sous le
poids de la b rise , p o u r se relever ensuite et b o n d ir furieuses,
après le tourbillon passé; et puis la surface des
ondes n ’offrait pins q u ’un vaste champ d ’écume que
l ’ouragan balayait.
Qu’on se rep ré se n te , au milieu de cette colère des
éléments déchaînés, un frêle navire ballotté dans tous les
sens , entraîné comme la feuille que détachent les bises
d ’automne, et n ’ayant p o u r se maintenir en équilibre
q u 'u n morce.au de toile p rê t à se déchirer!
Telle était en effet la Bonite ! Elle gardait la c a p e , se
rangeant dans le vent au moyen de l’unique voile n om mée
tourmentin. Cette voile fut défoncée! On hissa le
petit foc, mais il ne la remplaça pas d ’une manière assez
efficace p o u r maintenir le bâtiment dans la direction
convenable.
Ce fut alors q u ’un énorme coup de mer, p ren an t
obliquement la corve tte, vint fondre sur l ’arrière et le
couvrit entièrement en brisant le canot major sur ses
arcs-boutants. Â p a rtir de ce m om en t, toute la partie
postérieure du navire était immergée et fortement éb ran lée
à cbaque coup de tangage. Le gouvernail allait être
emporté : la b a rre se cassa p o u r la quatrième fois. Il était
six heures du soir.
Heureusement le tempête semblait se calmer un peu ;
mais elle n ’était point finie, car les baromètres ne m o n taient
pas encore. Toute la n u it, les rafales se succéd
è ren t avec plus ou moins de violence e t, bien que le
coup de vent eût perd u de sa force, la corvette ne cessa
de fatiguer, assez p o u r que la nouvelle b a rre de combat
mise en place le soir se rom p ît à h u it beures du matin.
Ce fut le dern ie r sacrifice que nos voyageurs firent à
la tempête. Déjà le temps s’était embelli ; la mer elle-
même se calma peu à peu et la jo u rn é e du 2 2 mai ne
ressembla pas aux précédentes.
A p r è s l:i tem j iê te .
Alors il dev in t possible de reconnaître les avaries que
la corvette avait éprouvées. Tous les caillebotis servant
de jonc tion entre les porte-haubans d ’artimon eties grands
p orte-haubans avaient été enlevés; le doublage en tôle
garnissant les joues d u bâtiment au portage des ancres
n ’existait plus ; un c anot était mis en pièces et cinq barres
de gouvernail, d o n t deux en fer, se trouvaient rompues
de manière à ne plus pouvoir servir. Cette dernière perte
était la plus fâcheuse; on s’occupa immédiatement de la
rép a re r, en sacrifiant, p o u r confectionner une barre
B o n i t e . — Relation du voyage. T o m e t l l . 27
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