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flottant extérieur. —■ Je ii’ai pas cette c ra in te , répond
encore le pilote : ce grain vient du N. O., il faut p ro fiter
de la fin du ju san t p o u r gagner du chemin; to u t à
ITieure le veut sera pour nous. »
Le pilote avait p o u r lui l ’expérience de la navigation
du Gange; il deva it, mieux q u ’u n étranger, apprécier
l ’aspect du temps. M. Vaillant ne répliqua p a s , mais à
to u t événement il fit monte r l’équipage sur le p o n t, et
disposer toutes choses p o u r être en mesure d ’étouffer
instantanément les voiles et mouiller. En un clin d ’oeil
chacun fut à son poste ; le plus profond silence régnait
à b o rd ; la brise même se taisait dans les co rd ag es, et
le faible b ru it du sillage rép o n d a it seul aux accents
bruyants de la foudre.
fo u t à co u p , le pilote effaré accourt auprès du comm
an d an t, et d ’une voix tremblante d ’émotion : « Vous
aviez raiso n , dit-il, q u ’on serre promptement toutes les
voiles et q u ’on laisse tombe r l ’a n c re ; peut-être est-il déjà
tro p la rd . »
Rapide comme la p a ro le , le brave équipage de fa Bonite
montra dans ce moment ce q u ’on pouvait attendre
de lui. Les voiles serrées comme p ar enchantement disparu
re n t toutes à la fois, laissant à n u la m âture élancée du
navire. Les perroquets dégréés lestement descendirent
sur le p o n t, tandis que l’ancre tombait sur le fond
vaseux de l ’embouchure du Gange, entra înant quatre-
vingt-dix brasses de cbaines.
Il était temps; l’orage avait pris un développement
immense p en d an t les courts instants (jue dura la manoeuvre.
Dans sa course furieuse, l ’ouragau enlevait la
mer en tourbillons , et de nombreuses trombes ma rchaient
devant lui en colonnes gigantes(jues. L’aspect du
ciel sillonné dans tous lessens p a r d ’éblouissantséclairs ,
le to n n e rre éclatant de tous cotés, le mugissement des
flots brisés l’un contre l ’autre et volant en poussière
b la n ch â tre , présentaient une image imjiosante et terrible
des convulsions de la nature. Le grand j)e!TO(juel to u chait
à peine le p o n t, q uand l ’affreuse tourmente fondit
brusquement sur la Bonite. Le navire jiris en travers ne
p u t en soutenir le choc ; il se coucha sur le côté et ne se
releva point. Des torrents d ’eau (c a r ce n ’était plus de la
p lu ie ), se précipitant du h au t du c ie l, enveloppèrent
alors la corvette. L’air s’obscurcit au p oint que du gaillard
d ’arrière on ne distinguait plus l ’avant du navire.
Le vent rugissait dans le gréement ; les éclairs se croisaient
flamboyants jusque sur le p o n t; les mâts prêts
à se rom p re , ployaient comme des roseaux; c’en était
fait de fa Bonite si les solides haubans qui maintenaient
sa mâture avaient cédé ; mais ia Bonite ne devait pas
p é rir : la mâture tin t bon.
P en d an t une demi-heure que du ra la grande force de
l’o u rag a n , et qui p arut bien longue à ceux que po rtait
la corvette, le canot major, enlevé p a r la tempête avec
ses arcs-boutants arrachés, resta collé p a r le vent sur la
face extérieure des haubans d ’artimon.
A cinq beures du soir, la force de l’orage étant épui