entre Binangouan et le bourg où nous tendions. Vers
m im d t, le vent soufilait avec force et notre légère pirogue,
déployant sa voile de nattes, était emportée avec la
vitesse de l’éclair le long des côtes de Luçon.
« Mes braves Indiens, plus babitués à gravir les mo n tagnes
q u ’à naviguer sur l’Océan, se trouvaient fort mal
de cette nouvelle manière de voyager, e t maudissaient
tout bas la détermination que j ’avais prise.
« Le le n d em a in , dans l’après-midi, nous abordâmes à
la petite ile d ’Alabat, peu distante du bourg de Mauban.
Cette île est couverte de forêts. Elle n ’est habitée que
p ar une bo rd e de sauvages appelés Doumagat; ce qui
x eut dire en langue tagale habitants des bords de la mer.
Ces bommes me p a ru re n t ap p a rten ir à une race croisée,
issue probablement des Tagals et des Aejetas. Je ne m ’a rrêtai
sur ce point que le temps nécessaire p o u r faire cuire
un peu de riz. Après un frugal repas, nous continuâmes
à cingler vers Mauban, que nous atteignîmes dans la
soirée.
« Le bourg de Mauban ap p a rtien t à la province de
Tayabas; il compte environ n eu f mille habitants.
« Situé sur un e côte autrefois ravagée fréquemment
p a r les pirates malais, il a été fortifié avec un soin p a rticulier.
La muraille qui l’en to u re est flanquée de petits
forts peu éloignés l ’un de l’autre, et assez bien armés
p o u r résister à une attaque.
« Les habitants de Mauban ne s’occupent d ’agriculture
que dans les limites de ce qui est nécessaire p o u r assurer
leur subsislance. Leui'jirincipale industrie consiste dans
le tissage de très-belles étoffes en filaments d ’abaca ou de
feuilles d ’ananas, q u ’ils p o rte n t p a r te rre au marché du
chef-lieu de la Lagune. Bien que les communicalions avec
les antres bourgs ne soient pas très-faciles et se p rê te n t
peu à un commerce a c tif, on voit beaucoup de gens
aisés à Mauban ; ils se montrent surtout bons et h ospitaliers.
« Leurs maisons sont propres et bâties avec goût ; les
rues, bien entretenues et soigneusement alignées, se font
remarquer p a r leur p ro p r e té , à laquelle contribuent
les eaux d ’iin canal maçonné qui traverse la ville et se
décharge dans deux grands bassins destinés à servir de
bains, p o u r les hommes, d ’un coté, et de l ’au tre p o u r
les femmes.
« Je n ’attendis pas q u ’il fit jo u r pour me rem e ttre en
marcbe le lendemain; Pagsanjan, chef-lieu de la province
de la Lagune, est séparée de Mauban p ar les montagnes,
et la route est longue. Mais il n ’y avait plus à craindre
dans cette direction ni les fatigues ni les dangers q u ’il avait
fallu brav e r les jo u rs précédents. Nous avancions sur un
cbemin fréquenté où le voyageur trouve, de distance en
distance, des toits hospitaliers prêts à le recevoir. Le
soir, nous entrâmes à Pagsanjan. Il ne me restait plus
que le lac à Iraverser pour me trouver cbez moi ; je pus
rn’endormir lian q u ille , en attendant le jo u r qui devait
me ren d re mon foyer de Jalajala. »
B o n ite . — R e la tio n d u voyage. T om e II I.