IKi VOYAGE
iiiiccoiuluilo absolument exempte do blâme. Il faut souvent
l)ien peu do chose p o u r le faire renvoyer. La moindre
petite impolitesse, le plus léger mouvement d ’hum eu r
sudisent pour lui faire p erdre le fruit de trois ans de
persévérance. Mais en lin , après ce temps d ’épreuves, si
les parents de la jeune lille n ’o n t aucun reprocbo â faire
an jeune bomme, ils en avertissent sa famille aiin (pie la
seconde cérémonie s’accomplisse.
C’est dans celle-ci (pic se règlent les accords. Elle se
passe en présence des deux familles réunies et correspond
â ce (pie nous appellerions cbez, nous le contrat
de ma riage; mais ici point de n o ta ire , point d ’écritures;
tout le débat a lien (uitre deux étrangers p la id a n t, rn n
pour les intérêts de la femme, l’autre p o u r ceux du
m.ari; el c ’est en parabol(!s (pie se traite la (pu^slion.
Pour d o n n e r une idée de cette cérémonie, je n e saurais
mieux faire (pie de ra])[)orler une séance de ce genre
d o n t M. de La Cironnmrc avait été témoin.
'fous les parents étant réunis, iin Indien s’avança an
milieu d ’eux. Il devait défendre les intérêts de la jeune
fille â marier. Celle-ci était la pins jeune de sa famille el
la dernière â pourvoir.
L’Indien s’exjirima â peu [irès en ces termes :
(( Un pauvre laboureur et son épouse vinreni un jo u r
s’étalilir dans nos campagnes. Pour r(!ssonrco ils .avaient
le travail de leurs mains; mais le fruit de leurs sueurs
pouvait suflire â peine â leur n o u rritu re . Pend.anl longtemps
ils dm eiil se conlenler d ’Iiabilcr une mi.sér.ible pelite
biittc de jiaille (jiii ne les mettait pas toujours â l’abri
des pluies du ciel. Us souffraient s.ans se plaindre et no
se lassaient jioint de travailler. Enfin, après bien de la
peine, ils pnnnil parvenir â se construire une m.aison et
ce fut p o u r eux un grand bonheur. De ce moment, en
effet, leur so rt cliaiigea entièrement. Moins exposés aux
maladi(!s, ils travaillaient avec plus de courage el leur
travail était béni du ciel, car to u t leur prospérait. En [len
d ’anné es il leur natjuil trois jolies lilies. Quand elles furen
t g ran d e s, un .ange a|)pariit au laboureur e t â sa
femme, et cet ange leur d it : « Vos filles sont belles et
bonnes ménagères : rn.ariez-les. N’oubliez pas toutefois
le temps de calamités epie vous avez traversé. Évitez
poiirelles un pareil sort. U ne siifiit ]>as (pie les m.aris (pie
vous leur donneriiz soient de bons travailleurs, vous l’étiez
vous-inèmes et vous avez senti la misère, il faut (pi’â
cbacune d'elles .son p ré ten d an t bâtis.se iin temple de
vingt pieds de long sur rpiiiize de Large, (pie ce temple
soit soutenu par dix colonnes formées de dix pierres
cbacune cl (com m e vous e t votre femme n ’êms plus eu
état de travailler) (pie cbaipic p ré ten d an t soutienne
aussi votre vieille maison p a r deux colonnes formées
comme les autres de dix pierres cbacune. »
1,’lndien se lu t; le sens de sa paraliolc n ’était point
difiicile â saisir. U demandait (pie le prétendu .apportât
en d o t â sa future une maison figurée p ar le temple et
cent piastres d ’argent on dix piles de dix piastres, outre
vingt piastres destinées aux parents do la fiancée.