Le maître de la maison, do n t on estimait la forlune à
plus de deux cent mille g o u rd e s , avait l’air d ’aisance
que donne la richesse et recevait ses invités de la manière
la pins gracieuse. Il paraissait heureux du plaisir
([ii’on goûtait chez lui.
Lue trentaine de dames et autant de cavaliers composaient
la réunion. Les dames, pres(]ue toutes jolies, appartenaient
exclusivement à la classe des métis ; car une
blanche de Manille n ’aurait p oint voulu déroger ju sq u ’.à
jtaraitre dans la comj^agnie de celles-ci.
Il n ’en était pas de même des bommes. Plusieurs
étaient des blancs et des plus huppés. On les distinguait,
non pas à la supériorité de leur ton et de leurs manières
; mais à l’impertinence de leur langage e t au sans-
géne de leur tenue. La veste blanche leur avait semblé
un costume assez recherché p o u r un bal de métis.
Les bommes de la classe dédaignée, sans paraître s ’en
offenser, d onnaient, an contra ire, l’exemple des bonnes
manières et d ’une tenue sans affectation, mais irré p ro chable.
Parmi les femmes, l ’envie de se distinguer sans doute
avait in tro d u it quelques toilettes européennes imitées
du costume des dames de Manille. Toutefois le plus
grand nombre conservait le costume tagal el celles-ci
paraissaient incontestablement les plus jolies.
Je l’ai décrit plus h au t en parlant des Indiennes du
peuple ; mais on pense bien que dans le bal d u riche
métis, les détails de ce costume devaient en relever la
simplicité. Ainsi le léger canezou qui couvrait leur p o itrine
et voltigeait au to u r de leur taille à peine visible,
était une riche camisole adrniraldement b ro d é e . La pièce
d ’étoffe ou tapis entourant la partie inférieure du corps
était un Indllaut tissu de soie aux couleurs variées , et
d ont les bouts, frangés d ’o r , retom baient sur une jiqie
de salin blanc. Qu’on ajoute à ces traits une jolie figure
encadrée dans de luisantes tresses de cheveux noirs et
légèrement ombragée par les plis flottants d ’un voile de
la plus grande finesse ; de ])etits pieds uns ressortant sur
des l)aboucbe‘s de soie brodées d ’a rg e n t, quelquefois
même semées de pierreries , el l’on aura une idée fidèle
des jeunes beautés ([ui ornaient le bal du riche métis.
C o in iiie t'f e f r i in t a i s à M a n i l l e .
Quand on voit la ville de Manille, avec sa licbe aristocratie
de blancs ; Bidondo el ses cent mille h a b ita n ts ,
tous adonnés au commerce ; l’étendue des vastes possessions
dont cette ville est la capitale el qui suffiraient
à former un important royaume, on est porté à penser
de |)rime abord que le commerce français doit trouver
là un excellent déboucbé ; rien n ’est moins vrai, du
moins jusqu’il présent.
Le commerce de la France avec les Pliilippines est en
effet extrêmement b o rn é et fort peu avantageux. Il y a
à cela jilusieurs causes, ])lus aisées à apprécier (|ii’à faii c
disparaître.