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lu'cessniiTS et placé des sentinelles pour n ’être point surpris
j)ar les Aejetas, je iis commencer les fouilles. Elles
ne furent j)as très-fructueuses le premier jo u r, à cause
de l’état de décomposition dans lequel se trouvaient la
plupart des corps q u ’on découvrait successivement. La
nuit était proche q u ’oii n ’avait p u recueillir encore autre
chose que deux crânes assez bien conservés. Je m’en
contentai, et nous nous éloignâmes avec empressement
de ce triste lieu, sanctuaire de la mort.
« Le temps que nous y avions passé m’eût semblé bien
long, si je n ’avais trouvé moyen de faire, de mon côté,
quelques observations intéressantes. Je découvris dans
cette partie de la forêt un mammifère, espèce de ma rmotta,
nommée Parout p a r les Tagals et les Aejetas. Je
réussis même à me [)rocurer deux individus de cette espèce,
(|ue j ’emportai, et d o n t le plus jeune s’est conservé
depuis cbez moi pendant assez longtemps. Il vivait de
riz, de mais et de patates douces. On n ’eut aucune peine
à l’apprivoiser. Il dormait to u t le j o u r , e t la n u it seulement
il se promenait dans les appartements sans jamais
sortir de l’habitation.
(( Nous allâmes camper dans une autre partie de la
fo rê t, p o u r passer la nuit. Le le n d em a in , nous vînmes
rep ren d re le travail commencé. Nos recherches nous
valurent un corps de femme Aejeta entièrement desséché
et réduit à l’état de momie ‘. 11 était placé dans une
* Ce squelette, ainsi que les deux crânes trouvés la veille, sont aujourd’hui
déposés au Musée d’anatomie comparée, à Paris.
tombe recouverte d ’un petit toit, l a te rre en avait été
nouvellement battue, e t on y voyait des feuilles de tabac
et de bétel déposées depuis peu.
« Nous reconnûmes à ces signes que la tribu à laquelle
appa rtena it celte sépulture se trouvait probablement
dans le voisinage, et nous en fûmes b ie n tô t encore mieux
convaincus aux cris qui se firent en ten d re comme on
Commençait à remue r la te rre. Il fallait se b â te r de te rminer
l’opération, car les clameurs se rap p ro ch a ien t de
n o u s; aussi mes hommes eurent-ils b ien tô t fait et nous
partîmes em p o rtan t n otre b u tin dans la direction opposée
û celle d ’où venaient les cris. A h u it beures du
soir, nous étions de reto u r a Binangouan.
« J ’avais acquis dans cette expédition la triste ce rtitude
que les Aejetas atten d en t rarement la mo rt naturelle
de leurs semblables. Le plus gran d nombre des corps
étaient assis dans leur gîte funèbre. Ils avaient été enterrés
vivants !
« Il ne me restait plus rien à faire dans les parages
hantés p ar les Aejetas. Je songeai à opérer mon re to u r à
Jalajala; mais je n ’avais aucune envie de rep ren d re mon
premier chemin à travers les montagnes. Je m’assurai
d’une embarcation p o u r atteindre p ar mer le bourg
Mauban, d’où il me serait facile de me ren d re p a r terre
à Ragsanjan, e t d e là , en traversant le lac, à ma demeure
de Jalajala.
c( Je m’embarquai, en effet, le soir même, afin de ne
pas pe rd re de temps; car il y a trente lieues de distance