(rancliise et d ’ab a n d o n , q u ’à l’entendre ainsi parle r on
eût pu croire que n otre connaissance datait de vingt
ans.
« Le babou avait secoué les préjugés de la religion
hindoue pour ad o p te r les principes de Rajah-Soung, do n t
il était le premier disciple : était-ce p a r ra iso n , p a r esprit
d’indépendance on p ar to u t autre motif? il ne le d it pas.
Mais, en ab an d o n n an t les superstitions de ses p è re s , il
n ’avait p o in t perd u l ’amour de son pays q u ’il aimait au
contra ire avec passion. Aussi gémissait-il de son asservissement.
Il ne craignait pas de manifester to u t h au t son
h o rre u r de la domination anglaise; bien que toute sa
fo rtu n e , ou du moins la plus grande p a rtie , fût le fruit
de son association avec un des principaux négociants de
la compagnie. Cet bomme, exalté dans ses idées d ’indé-
jiendance, avait réuni près de lui des jeunes gens intelligents
q u ’il jugeait dignes de le comprendre et de l ’aider
dans l ’oeuvre de rég én é ra tio n , objet constant de ses
rêves. 11 publiait à ses frais des jo u rn au x écrits en langue
b e n g a li, afin de rép an d re p a r ce moyen ses idées dans
le peuple.
« Une fois lancé sur ce sujet fa v o ri, n o tre hôte n ’avait
pas besoin d ’étre fortement pressé p o u r nous dire toute
sa pensée. Sa conversation nous intéressait vivement :
elle s’aiguisait incessamment au choc de quelques co n tradictions
calculées p o u r le ten ir en verve. Ce brave
b om m e , to u t en fumant .son bouka (v ra i bijou d ’une
valeur de 50 000 fr.), paraissait charmé de trouver l ’o c casion
de développer ses opinions libérales devant des
auditeurs français.
« Les lumières ne so n t pas encore assez rép a n d u e s ,
« disait-il, mais le moment arrivera où nous secouerons
« la domination étrangère p o u r nous gouverner nous-
« mêmes. Peu importe le genre de gouvernement qui
« sera alors a d o p té , pou rv u q u ’il soit selon nos moeurs
« e t nos besoins. »
« Du reste il parla it d ’une façon fo rt sensée ; ra iso n n
a it avec au tan t de force que de ju s te s s e , et paraissait
apprécier parfaitement l ’état de son pays.
« Nous n ’avions, q u an t à n o u s , rien à dire p o u r ou
co n tre ses opinions; mais elles me semblèrent dignes
d ’être recueillies. La conclusion à laquelle nous nous
réunîmes de g rand coeur fut u n e suite de toasts à la
F ra n c e , à la lib e rté , à Rajah-Soung e t à n o tre hôte qui
leva la séance pour nous mener voir ses jardins.
« Tout était n eu f dans le p a rc comme dans le château.
Le te r r a in , vierge naguère e t couvert de bois, conservait
dans sa disposition nouvelle un e partie de sa richesse
sauvage, ménagée avec soin p o u r contra ste r avec la p a ru
re plus recherchée d o n t la culture e t l’art l ’avaient
réc emmen t embelli. Ainsi le ja rd in ie r s’était bien gardé
d ’aba ttre les grands arbres et les bouquets de bois
qui pouvaient trouver place dans l’ordonnanc e de ses
dessins.
(( Parmi les ouvrages d ’a rt répandus çà et là p o u r varier
la décoration de ce lieu de plaisance , je remarquai