Aejeta m ’avait dit de leurs moeurs et ue m’ap prirent
rien de nouveau.
c( Ma venue avait inte rrompu le repas de ces sauvages.
11 se composait uniquement de racines cuites sous la
cendre. On m’offrit d ’en prendre ma p a r t; mais comme
je savais ces racines très-ma lfaisan te s, je refusai.
« .Te tenais beaucoup à conna ître la plante avec laquelle
ils enqioisonnent leurs flècbes. J ’en témoignai le
désir à u n des bommes qui m ’entoura ient et, afin de le
mieux disposer à me satisfaire, je lui fis présent d ’un
mouchoir rouge qui p a ru t cha rmer toute l ’assistance. Le
sauvage [>artit aussitôt p o u r aller chercher ce que je d e mandais,
tandis que son mouchoir roulé en tu rb an passait
à la ro n d e sur la tête de toutes les femmes de la
trib u .
(( Quand le sauvage revint, il tenait à la main un m o rceau
d ’écorce d ’arbre q u ’il me présenta. Je goûtai de
cette écorce devant eux ; elle avait l ’amertume du
quinquina. Je me refusais à croire que ce fût un poison
, et j ’en fis to u t h au t l’observation. On me rép o n d it
q u ’en effet ses propriétés vénéneuses ne se manifestaient
p oint lo rsq u ’elle était en cet é ta t; mais q u ’après avoir
subi une certaine préparation ( do n t ils gardèrent le sec
r e t) elle devenait un poison très-actif. Les sauvages
ajoutèrent q u ’un a n im a l, blessé p a r une flèche enduite
de cette su b stan c e , éprouvait instantanément une soif
ardente et mourait toujours au moment de la satisfaire.
Lorsqu’ils tuaient un cerf, ils étaient obligés d ’enlever
tout de suite la partie du corps où la flèche avait pénétré,
sans quoi, disaient-ils, la chair acquérait une telle amertume
q u ’elle ne pouvait plus servir d ’aliment.
H Au moment où je me disposais à dire adieu à mes
nouvelles conna issance s, toute la b an d e se leva pour
aller à la chasse. Dans un in stan t, bomme s, femmes et
enfants furent debout munis de leurs armes. Les vieillards
seuls, accroupis au milieu des cen d res, devaient
rester gardiens du foyer commun. Un grand cri retentit
alors dans la forêt : c’était le signal du d ép a rt; l ’écho
du bois le répé tait encore, que toute la b an d e avait disp
aru. Je ne pus me défendre, en les voyant s éloigner
ainsi, de comparer ces malheureux sauvages à une troupe
de grands singes allant à la picorée.
« J ’en avais assez vu p o u r cette jo u rn ée . Je succombais
d ’ailleurs à la fatigue, et je ne me sentais pas la force
de passer encore une n u it dans la forêt. Mon plus grand
désir en ce moment était de pouvoir atteindre avant la
fin du jo u r le b o u rg de Binangouan de Lampón.
(( Nous n ’avions pris p o u r toute n o u rritu re que le p etit
morceau de viande à moitié crue que les sauvages
nous avaient d o n n é. Un peu de rh um a vait encore mieux
contribué à entre tenir nos forces ; mais cette dernière
provision était ma in ten an t épuisée.
« Chemin faisant, nous rencontrâmes de grands eucalyptus
d o n t les branches étaient couvertes de chauves-
souris. Mes Indiens, que la faim pressait, me demandèren
t la ])ermission de tirer (juelqnes conj)s de fusil sur