'iO VOYAGE
conseiller ;i ceux (pù, par goût ou pai' état, sont appelés
a vo y ag e r, de ue point négliger ce (|u ’oii apjielle coni-
uuinémenl les arts d ’agrénieut.
(,es talents reputes (utiles, (|u ’on prodigue de nos
jours aux demoiselles, sont regardés p a r beaucoup de
jeunes gens comme indignes d ’occuper leurs moindres
loisirs. Ils laissent aux artistes de jirofession l’étnde de
la musique ou de la peinture. C’est to u t au plus s ’ils
consentent à se mettre eu état de décbilfrer une romance
et d ’ap p re iid re à manier un ci ayon, tout juste assez pour
n être point refusés dans un concours oii l ’on exixO'e le
dessin d une tête au trait. Ce qui ([lour le dire eu p a s sant)
ne les enqiécbera pas de se poser ridiculement en
juges souverains d ’un grand ouvrage de musique ou de
peinture.
Sans d o u te , il y a , pour un bomme f|ui se destine à
une carrière sé rie u se , des études beaucoup plus essentielles,
qui doivent jiasser avant tout. Bien |)auvre serait
celui qui n ’y apporte ra it d ’autre bagage (|ue (juek[ues
talents d ’agrément. Mais , outre le délassement (¡u’ils
procurent a|)i'ès des travaux jilus sé rie u x , les arts se rvent
dans le monde beaucoup jilus ([u’on ne pen.se. Ils
mellenl tout de suite on évidence celui (|ui les cultive et
apj)ellent sur lui 1 attention mieux el [dus sûrement cpie
des talents plus es.seutiels. Ils amènent ainsi à recem-
nailre son mérite! s’il en a. Un sot ou un ignorant ont
seuls à [)erdre à cette épreuve.
Si, comme j(‘ le crois, cela est vrai dans son applieaü
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lion à ceux (pii ne so rten t pas de la sociélé de leur
pays, c’est bien plus frappant encore dans la vie du
voyageur. Celui-ci arrive dans un pays do n t il ne coin-
prerul pas la langue, où on ne comprend pas la sienne.
Quelle ligure peut-il iiùre dans uii salon ? Quel plaisir
aura-t-on à l’y recevoir? Qu’il soit musicien, la (piestion
devient to u t autre. Ua musitpie est un langage de tons
les pays, ,1e ne sais aucune contrée du globe où clic ue
fasse plaisii' ; et, même cbez les peujiles (pic nous trouvons
assez mal organisés pour la musitpie, celui (pii la
cultive avec (picUpie goiit est sûr de se faire ecouler. ,1e
puis en dire au tan t du dessin. Bien (pi’il produise un
effet moins vif et moins immédiat, il intéresse même les
sauvages.
Qu’on me pard o n n e cette digression peut-être un peu
trop lo n g u e , et (pi’on me pernuitte de la lerminer en
répé tant un conseil d o n t rex|)érience m’a démontré la
sagesse :
Vous donc (|ue la soif des voyages entraîne loin de
votre berceau, jeunes gens avides d ’émotions et de co n naissances
nouvelles, soignez d ’aliord votre instruction,
exerc(!z votre jugement et votre mémoire ; mais joigiu'z
à ces conditions essentielles (pielqne talent d ’agrément.
Il vous servira de passe-j)artout et vous ouvrira bien des
])ortcs (|ui seraient lestées fermées à votre mérite.