qu'il choisit pour l ’accoiupagner. J ’étais au comble de
mes voeux.
« Nous partimes eu v o itu re , avant le lever du soleil,
et nous primes le cbemin (|ui conduit à la montagne ;
c ’est une route charmante, unie, sablée, entretenue axec
le même soin (ju’uue allée de ja rd in ; des deux côtés,
des bois de cocotiers, d ’arecs, de manguiers s’élèvent,
formant à droite et à gaucbe de la large voie un double
rideau de verdure. De distance en distance, ce rideau
s’eiitr’ouvre [lour laisser voir de jolies maisons de campagne
coquettement assises parmi les arbustes fleuris, ou
des cases malaises, pittoresques et simples retraites q u ’ab
ritent les larges feuilles des bananiers.
« Des baies de rosiers b o rn en t ces héritages ; en quel-
(|ues endroits la route est toute jonchée de leurs fleurs.
Des oiseaux au riche plumage viennent y prendre leurs
ébats. Ils sont si peu effarouchés, si bien chez eux dans
ces riantes d em eu re s, q u ’ils se jo u e n t ju sq u ’aux pieds
des chevaux ; malheureusement ils ne chantent pas !
« La rosée de la nu it p e rlan t sur toutes les feuilles
donnait à la végétation un vernis de fraîcheur que les
rayons du soleil allaient b ientôt te rn ir; mais qui n ’en
paraissait que plus suave à nos yeux.
« Des fruits pendaient à tontes les branches, inclinées
sons leur poids de manière à former berceau des deux
côtés d u cbemin ; ici c’était le mangoustan, d o n t la crème
délicate répartie entre plusieurs gousses d ’un blanc de
lait, s’abrite sous une épaisse enveloppe de p o u rp re ; là ,
les bananes dorées rassemblées p ar centaines autour d ’une
même hampe et pendant en un gland énorme do n t chacune
ne forme q u ’ un filet ; plus lo in , la mangue, le meilleur
fruit d u monde (selon l’avis des créoles de nos colonies),
d o n t la peau d ’un jaune rosé et la forme imparfaitement
arrondie, l'appellent quelques-unes des plus belles pommes
d ’Europe. Les babitanls des régions tropicales veulent
que le fruit d é fe n d u , si séduisant p o u r notre mère Eve,
ne fut autre que la mangue. Pourquoi n ’auraient-ils pas
raison? Le ch a rman t paysage au milieu duquel je la
voyais ne ressemblait-il pas au paradis terrestre ?
« D’extase en extase, nous arrivâmes au pied de la m o n tagne.
La voiture ne pouvait nous p o rter plus loin. J ’aurais
voulu, p o u r m a p a r t , l ’abandonner plus tô t, e t faire
plus lentement à pied la promenade d ’une lieue, que
nous venions de franchir en vingt minutes.
« Ici la route change d ’aspect. Rapide et sinueuse, elle
est p o u rtan t assez bien tracée p o u r q u ’on la parcoure à
cheval. Nous y trouvâmes nos montures q u ’on avait pris
la précaution d ’y envoyer d ’a v a n c e , et après les avoir
enfourchées, nous commençâmes à gravir la montagne.
Notre imagination charmée des riantes beautés de la
plaine allait b ie n tô t être frappée plus profondément à
l’aspect de beautés d’un autre ordre. Nous entrions dans
des forêts vierges, où la main de l’homme n ’a encore
imprimé d ’autres traces que le chemin o uvert sous nos
pas. Autour de n o u s, la n atu re toute seule se présentait
sous les formes les plus imposantes.