Quand un d ’eux est malade, ils le tran sp o rte n t sur la
place publique, ils l’assoient sur un banc et tous les h a bitants
de la bourgade exécutent au to u r de lui des danses
guerrières, au son du tam b o u r. Cette ronde infernale
dure toute la jo u rn é e . Si le malade se sent assez de force
pour y p ren d re p a r t, sa maladie n ’est pas considérée
comme mortelle et alors il est reconduit chez lui, où ses
p arents lui d o n n en t des soins ; mais si la jo u rn é e se passe
sans q u ’il ait quitté son siège p o u r se mêler aux danses
do n t il est l’objet, nul ne doute q u ’il ne soit condamné à
mourir. Alors on l’abandonne et il meurt en effet... de
faim !
Le lendemain ses parents assujettissent solidement son
corps sur le banc où on l’avait placé vivant. Tout son
patrimoine converti en comestibles est ap p o rté su r la
place. Les habitants de la bourgade s ’y réunissent de
no u v eau ; on allume un gran d feu près du corps e t le
plus proche p a re n t commence l’oraison funèbre. L ’o ra teu
r débute sur un ton triste et lam en tab le ; puis il
s ’exalte graduellement ju sq u ’aux derniers paroxysmes
d ’une folle gaieté. Alors tous les assistants exécutent des
danses sauvages , aux sons du tam b o u r et du tam-tam ;
ils les in te rrom p en t seulement p o u r écouter une n o u velle
oraison funèbre.
Chacun des p a re n ts , selon le degré de proximité qui
les Hait an défunt, doivent à leur to u r payer ce trib u t à
sa mémoire. Des voix étrangères vien n en t ensuite et
toujours les danses servent d ’intermède à ces discours.
Cependant le feu est constamment entretenu. Une
tro u p e de femmes essuient le corps avec des linges à
mesure q u ’il subit l’influence de la chaleur. Si le défunt
laisse une veuve, elle est là, couverte d un voile, immobile,
e t assise aussi près de lui que la vivacité du feu
p eu t le p erm e ttre. Elle garde cette position tan t que
du re la cérémonie.
Quand les vivres o n t été consommes p ar 1 assistance,
tous ceux qui ne sont pas de la famille du m o rt se re tire
n t e t re n tre n t dans leurs demeures ; mais les parents
re sten t et co n tin u en t d ’en tre ten ir le feu; ce n ’est q u ’au
b o u t de dix ou quinze jo u rs, après que le corps est e n tièrement
d esséch é, que la veuve peut ab an d o n n er sa
place. Alors on procède à rin b um a tio n .
Sous la maison qu’habitait le Tigiane p en d an t sa vie,
est creusé un puits de plusieurs toises de profondeur.
Au fond de ce puits on pratique latéralement un caveau
à l ’imitation des sépultures égyptiennes. C’est là que les
p a ren ts p o rte n t ses restes. Us croient que l’esprit du d éfunt
ne sort jamais de la maison q u ’il a babitee, el c est
p o u r cela sans doute q u ’ils y veulent aussi conserver sa
dépouille.