« 11 pleuvait à verse le lendeiuain. Mais j ’élais disposé
à supporter bien d ’autres co n tra rié té s; celle-là ue m’arrêta
j)as. A ciiuj beures du matin je donnai le signal du
d ép a rt et nous reprîmes n otre route vers l’E. N .E . Pend
an t trois bernes, nous pûmes cbeminer assez facilement
à travers une vaste rizière qui nous conduisit à l’entrée
des bois. Là devaient commencer les difficultés du
voyage. Aucun sentier ne s’offrait devant nous. Pour
avancer, il fallait se frayer un passage à coups de bâche
dans l’épais massif d ’arbres et de lianes entrelacés. Mes
Indiens se mirent à l ’oeuvre et nous parvînmes ainsi à
franchir le bois qui beureuseinent n ’était pas fort étendu.
Une trace de pas fraîchement imprimés sur le sol nous
conduisit de là ju sq u ’à la rivière de Siniluan que nous
devions côtoyer ju sq u ’aux montagnes on elle pren d sa
source.
« Cette rivière coule au fond d ’un ravin entre deux
monts escarpés; ses bords so n t tellement abrupts dans
((uelques endrcjils qu on ne peut, en suivant son cours,
m archer longtemps sur la même rive. 11 fallait à chaque
instant se je te r à la nage p o u r la traverser. Cet exercice
n est pas seulement fatigant; il est encore dangereux.
Le courant, parfois très-violent, menaçait de nous em-
(jorter, et je ne sais alors ce qui serait advenu. Nous aurions
été roulés et broyés probablement co n tre les
énormes blocs de roches qui hérissent le lit du torrent.
Cette course me fut très-(vénible. Mais enfin, a(>rès avoir
côtoyé le Siniluan ()endant [)lus de deux heures el l’avoir
traversé ((iiinze fois, ma rchant ta n tô t sur un b o rd tantôt
sur l ’au tre , je vis à ma grande satisfaction ({ue nous nous
trouvions au pied de la chaîne de montagnes qui court
du N. au S. dans toute la longueur de l’île Luçon.
« Mon guide, à p a rtir de ce point, dirigea n otre roule
vers le n o rd , et, suivant ses traces, nous commençâmes
à gravir la montagne. La p ente était roide et le cbemin
p ie rreux; mais j ’avais retrouvé mon courage et je mo n tai
résolument; si bien q u ’au bout d ’u n eh e u re de marcbe,
nous (tûmes nous re(toser sur le plateau qui couronne la
montagne de ce côté.
« Ce p lateau, qui s’étend au loin, est couvert d ’arbres
gigantesques et si rap(trocbés les uns des autres, que
leurs cimes touffues ne laissent aucun passage aux rayons
du soleil. Quelques-uns de ces arbres s’élèvent jus((u’à
c ent quarante ou cent cinquante (tieds de terre, sans une
seule branche. Leurs troncs o n t de trente à quarante
(tieds de circonférence et conservent presque la même
grosseur ju sq u ’au p oint élevé oû les branches commencent
à se dévelo()per. Je rema rqua i là une grande variété
de palmiers d o n t un surtout frappa mon attention. Ses
larges et solides feuilles (leuvent au besoin servir à p lu sieurs
usages. J ’y vis aussi p our la première fois une belle
espèce de pandanus. Les feuilles de cet arbre réunies en
gerbe parta ient de te rre et s’élevaient à (dus de vingt-
cinq pieds. 11 est impossible, à moins de l ’avoir vu, de
se figurer to u t ce ((u’a d ’imposant et de magnifique le
s|iecta('le de ces immenses forêts. Ce s()ectacle si l>eau.