Le commandant de la Bonite ne songea pas d abord
à élever la moindre objection contre l’opinion d ’hommes
babitués, dejniis longues an n é e s , à naviguer dans ces
jiarages. Il dirigea sa route conformément à leurs in d ications
et, ju sq u ’au 1 2 mars, il suivit en effet la côte malaise.
Mais il n ’est p oint d ’expérience qui permette d ’assigner
des règles invariables en matière de navigation. Les p révisions
les mieux combinées sont incessamment déjouées
p a r des circonstances fortuites : Les destins et les flots sont
changeants !
Après cinq jours d ’efforts inutiles, M. Vaillant ne ren co
n tra n t, dans les parages voisins de la côte de Malacca,
que des calmes ou de tro p faibles b ris e s , se décida à changer
sa route. Il pensait avec raison que les brises de n ord-
est, insensibles à l ’abri des te rres de la p resqu’île m alaise,
devaient avoir plus de force au large et q u e , p en d an t
le temps q u ’il perdait inutilement à aller cbe rcber le
passage du sud de P ré p a ris , il pouvait s’avancer rap idement
dans le golfe du Bengale, en passant au sud des
îles Andaman, p ar le cbenal d it de dix degrés. Il aurait
sans doute ensuite à s’élever au n o rd p o u r atteindre les
bouches du Gange; mais, suivant toute appa rence , la
mousson de S. O . , qui s’établit en mars sur les côtes de
Golconde et d ’Orixa, lui offrirait de meilleures chances
que ne lui en promettaient les brises régnantes dans le
golfe de Martaban.
Ce calcul fut justifié p ar l’événement. En effet, v in g t-
DE LA BONITE. 357
cinq jours après son d épa rt de P u lo -P in a n g , la Bonite
se trouvait sur les brasses du Gange.
Aucun inc ident digne de remarque ne signala cette
trave rsée, p en d an t laquelle M. Vaillant pu t, sans distractio
n s , mettre en ordre les notes q u ’il avait recueillies
sur quelques-unes des contrées q u ’il ne lui était pas
d onné de visiter.
Q u e lq u e s r e n s e ig n e m e n t s s u r le ro y iium e d e S iam .
Quelque détaillé que soit son itin é r a ir e , il reste to u jo
u rs au voyageur le regret de laisser inexplorés bien
des pays voisins de sa route. Plus il a vu, plus il veut
voir encore. Quel in té rêt, p ar exemple, n ’aurait point offert
une relâche sur les côtes de S iam , une visite aux
rivages de Tanasserim et de M a rtab an , une courte apparition
sur les côtes du Pégu !
Presque jam a is , dans ces p a ra g e s , ne s’est montré
le pavillon français. C’eût été une raison de plus p o u r y
conduire la Bonite, si les instructions du ministre avaient
laissé au com mandant la liberté de régler lui-même sa
marcbe selon les circonstances.
Mais, à défaut de ses pro p re s observations, il avait
les renseignements que la ren co n tre de gens dignes de
toute confiance l’avait mis à portée de se pro cu rer. Ainsi
Tévêque de S iam , q u i , p en d an t le séjour de l ’expédition
à Georges-Town, p ren a it plaisir à venir à b o rd de la corvette
passer avec ses compatriotes des moments toujours