Dn plaisant, après avoir passé deux jours à James-
Town disait en partant de Sainte-Hélène ; « Voilà bien
une colonie militaire; il n ’y pousse que des canons. » 11
esl vrai que, de quelque côté q u ’on se to u rn e , les seuls
objets q u ’on aperçoive, à tous les étages des bauteurs
do n t la ville est en to u ré e , comme sur le rivage lui-
mème, sont des canons en batterie. 11 n ’est pas une
saillie du roc qui ne soit couronnée d ’une ou plusieurs
pièces d ’artillerie.
Ce luxe de défense donne à cet endroit une apparence
formidable et témoigne (même après sa m o rt) de la
crainte q u ’inspirait le grand homme d o n t Sainte-Hélène
fut la prison e t devint plus ta rd le tombeau.
P è le rin a g e a u tom b e a u d e l’E m p e re u r.
Lors du passage de fa Bonite, ses restes reposaient en core
dans la modeste sépulture creusée à l’endroit même
o ù , pendant sa c ap tiv ité , il venait p romener ses rêveries
mélancoliques.
Nos voyageurs ne pouvaient mieux employer les
quelques heures de leur relâche, q u ’à accomplir un
pieux pèlerinage dans ce lieu désormais sacré ; ils s ’y
ren d iren t en effet. Ils inclinèrent leurs fronts devant la
tombe vénérée q u ’entoura it une simple balustrade en
fer, e t que recouvraient trois pierres turnulaires sans
aucune inscription. Ils emportèrent quelques feuilles
d u saule qui l ’ombrage, et achetèrent des fleurs que la
spéculaliou plus que la j)iélé enlretieiil dans 1 etroil
enclos.
Ln soldai écossais montait la garde au to u r du tom beau.
Il montra aux voyageurs le sentier p a r lequel
Napoléon avait coutume de d e s c e n d re , la petite fontaine
où il venait se désaltérer. « L à , dit-il, il se reposait un
instant. — Il s’asseyait sous ce saule p o u r jo u e r avec les
enfants de M““ B e rtran d , ou causer avec leur m è re ... »
En disant ces mots, le brave soldat paraissait ém u , soit
q u ’il voulût se conformer aux sentiments qui agitaient
les v isiteurs, soit qu’il fût dominé lui-même p ar le respect
q u ’impose aux plus indifférents le souvenir d une auguste
infortune.
L o n g -w o o d .
La maison de l.ong-wood, que Napoléon habitait p en dant
sa captivité, est placée plus h a u t, sur un petit
plateau oû croissent quelques arbres. En une demi-heure
nos voyageurs eu ren t gravi le chemin qui conduit en ce
lieu.
La compagnie des In d e s, autrefois maîtresse de l ’île ,
y avait établi une ferme. Ce fut plus ta rd la maison de
campagne du sous-gouverneur de Sainte-Helène, qui
venait y passer de temps en temps quelques heures de
la journée . Elle n ’était ni assez com m o d e , ni assez spacieuse
p o u r que ce personnage p û t y fixer sa résidence ;
on la jugea suffisante p o u r servir de demeure au grand
homme que l’Europe entière n ’avait pu contenir !