Le Tigiane se défie de son ami comme de son ennemi,
aussi est-il toujours armé et ne s’approclie-t-il jamais de
son semblable sans être p rép a ré an combat.
L’organisation civile des peuplades tigianes est toute
patriarcale : c’est toujours u n des plus anciens de la b o u rgade
qui commande aux autres.
Leur principale occupation, la seule qui incombe aux
hommes, est la guerre. On ne saurait s’en é to n n er, en
voyant ces sauvages en hostilité perpétuelle, soit avec les
Guinanes, soit avec les Igorotes.
Entre ces trib u s rivales et ennemies, les combats ne
sont jamais longs ; mais aussi ils ne te rm in en t r i e n , et
c’est toujours à recommencer. Du premier choc entre
deux bandes armées dépend ord in airem en t la victoire :
si ceux qui sont attaqués se défendent p en d an t quelque
temps, les assaillants p ren n e n t aussitôt la fu ite , to u t est
fini p o u r ce jour-là. Aussi préfèrent-ils généralement aux
rencontres p ré v u e s , la guerre de surprises. Souvent ils
tom b en t de nu it sur une bourgade ennemie, mettent
to u t à feu et à sang et se re tire n t ensuite, em portant,
non le butin q u ’ils aura ient pu faire, mais les têtes q u ’ils
ont abattues. Ils attachent le plus grand prix à ce genre
de trophées.
Le lendemain d ’une expédition, toute la bourgade se
réu n it sous le hanga r commun. Le guerrier qui a vaincu
présente au chef les têtes q u ’il a rap p o rtée s du com b a t.
Celui-ci les examine, les montre au public, fait l’éloge du
vainqueur et divise les crânes en deux parties. Alors comiiience
une horrible cérémonie. La cervelle est mise dans
des vases de porcelaine à moitié pleins de la liqueur ap pelée
bassi. Après avoir bien mélangé les deux substances,
on verse cet affreux breuvage dans u n crâne vide où
tous les assistants boivent à la ro n d e avec délices ; e n suite
on divise les parties charnues des têtes et on les e n voie
aux bourgades amies.
Tandis que les hommes usent ainsi leur vie dans des
luttes sans fin, les femmes se chargent seules, non-
seulement des soins du ménage, mais aussi des travaux
de l’agriculture e t des divers ouvrages qui forment leur
industrie.
Elles cultivent le riz, le maïs, des patates douces, du
tabac, u n peu de coton et des cannes à sucre. Ce sont elles
qui p rép a re n t le bassi ; elles filent le coton et en font les
tissus que les Tigianes emploient p o u r leurs vêtements.
Cette fabrication n ’exige pas le secours d ’un inetier. Il leur
suffit d ’attacher une extrémité de la chaîne a un bois
transversal, tandis que l’autre b o u t s’enroule autour de
leur corps. Il est vrai que , p a r cette m é th o d e , elles ne
peuvent guère d o n n e r à leur étoffes pins de dix-huit
pouces de largeur, mais elles s’en contentent.
Les Tigianes so n t idolâtres, mais ils n ’o n t pas d ’idoles
fixes se ra ü a c h a n t à une cosmogonie quelconque. L’idee
de la Divinité est chez eux vague et indéterminée. Les
objets qui en deviennent p o u r eux la représentation et
auxquels ils ren d e n t accidentellement un c u lte , varient
de jo u r en jo u r et doivent au hasard des honneurs pas