si nouveau p o u r moi exalta mon admiration au point
tpie je ne me lassais pas de le contemplei' et que j ’oubliais
a la fois ma fatigue et le b u t de mon voyage.
« En voyant la n atu re si riche dans le règne végétal,
je me demandais ce que devaient être les êtres animés à
qui sans doute la forêt servait de retraite. Je regardais
de tous côtés, j ’écoutais en silence, espérant découvrir
quelque animal, entendre le cri de quelque oiseau. Mais
en vain mes regards exploraient-ils to u r à to u r la p ro fondeur
des bois et les cimes des arbres, en vain mon
oreille attentive chercba-t-elle à percevoir quelques sons
p rovenant d ’êtres ayant vie, je n e vis rien e t la voix de
mes compagnons de voyage tro u b la seule le silence de
la solitude. J ’avais peine à en croire mes oreilles et mes
yeux. J ’en fis la rema rque à mon guide. « Ne soyez p o in t
surpris, me dit celui-ci, de ne rien voir dans le lieu où
nous sommes. Aucun animal n ’y d em eu re ; il en est de
même dans toute l ’étendue de la forêt, il n ’y a que sur
les b o rd s de la mer q u ’on trouve quelques oiseaux. »
« Cependant les bois n ’étaient p o in t complètement
inhabités ; nous le découvrîmes b ien tô t fort désagréablement.
Ce lieu don n ait asile à des myriades de petites
sangsues, qui ne ta rd è ren t pas à s ’a ttach er à nous. En
peu de temps nous en fûmes couverts. Elles s’attaquaient
a nos mains, aux jambes, à la figure, p a rto u t enfin oû
elles pouvaient trouver à piquer. Nous étions obligés de ’
reco u rir incessamment au tabac mâché p o u r nous en
débarrasser. Sans ce moyen, qui nous réussit assez bien.
mais qu’il fallait souvent renouveler, elles nous auraient
fait p erdre assez de sang p o u r nous ôte r ju sq u ’à la force
de les chasser.
« Après un e h eu re de repos désagréablement in te rrompu
p a r ces hôtes incommodes, nous reprîmes notre
course à travers la forêt, sans suivre aucun chemin
frayé; mais nous guidant, selon les indications que mon
Indien savait reconnaître, nous atteignîmes à l ’entrée de
la nu it les bords d ’une rivière qui serpente à l’ombre
des bois et d o n t les eaux, calmes comme la solitude
q u ’elles a rro sen t, ne présentaient aucun des dangers que
nous avions courus en trav e rsan t la rivière de Siniluan.
(( 11 n ’y avait pas moyen d ’aller plus loin ce jour-là.
Je me décidai donc à camper ju sq u ’au jo u r au lieu oû
nous nous trouvions. Mes Indiens eurent b ie n tô t dressé
le toit de feuillages qui devait nous servir d ’abri p en d an t
la n u it e t prépa ré un peu de riz et de viande boucanée
p o u r n o tre souper. Après ce frugal repas, que la faim
me fit tro u v e r délicieux, je m ’endormis sous l’ajoupa et
trouvai le repos d o n t j ’avais grand besoin. Mes Indiens
avaient eu la préc aution d ’allumer d ’ab o rd de grands
feux to u t au to u r du lieu qui nous servait d ’asile : ce qui
nous prése rva des sangsues d o n t j ’ai déjà parlé.
i( Le lendemain 21 septembre nous passâmes la rivière
et continuâmes à marcher p en d an t quelque temps, ju s q
u ’à un autre cours d ’eau absolument semblable q u ’il
fallut aussi traverser. Là finissait le plateau sur lequel
nous cheminions depuis la veille. Le terrain devint alors