C é rém o n ie fu n è b re .
« Je n ’eus pas d ’ailleurs le temps de faire de longues
réflexions, ca r à peine avions-nous dépassé le village,
q u ’un autre spectacle appela n o tre curiosité. Plusieurs
groupes de bengalis courant sur la rive venaient se ré u nir
au to u r d ’un foyer d ’où s’élevait en tourbillonnant
une colonne de fumée ; la tristesse peinte sur leurs visages
, leur contenance morne et lu g u b re , annonçaient
une cérémonie funèbre. Ils ren d a ien t, en effet, les d e rniers
devoirs à un des leurs. Le corps du défunt placé
dans le milieu du bû ch e r n ’était déjà plus q u ’un monceau
de cendres. Les plus proches parents v in ren t re cueillir
ce qui restait de sa d ép o u ille , et ces cendres p u rifiées
p a r le feu furent ensevelies avec respect dans les
eaux sacrées du Gange. Ceci se passait à deux milles
environ de Chandernagor, où nous arrivâmes à n eu f
beures du soir.
« Le capitaine Guézenec ne nous avait pas trompés;
nous avions fait un voyage charmant.
U n e so iré e à C h a n d e rn a g o r.
« La soirée devait l’être bien davantage p o u r nous,
pauvres p è le rin s , q u i, la première fois depuis le d ép a rt
de T o u lo n , ïiiettions le pied sur un sol français. En en tran
t dans riiôlel de M. Bédier, il nous sembla respirer
l’air pur de la pairie. Nous relrouvioiis la France dans
to u t ce qui frappait nos y e u x , les sentiments de la famille
dans l ’accueil affectueux de notre hôte. Tout était français
en jeffet dans ce salon b rillant de lumières, dans la
joyeuse et belle société q u ’il réunissait à n otre intention.
Ces jolies dames au gracieux sourire étaient françaises;
quelques-unes avaient vu le jo u r dans le pays q u ’elles
regrettaient comme n o u s; d ’a u tre s , nées dans l’In d e ,
n ’aspiraient pas moins au ciel de leur véritable patrie ; car
aussi bien que les a u tr e s , elles étaient françaises p a r le
coeur, p a r les moeurs e t p a r le langage. Ic i, dn m o in s ,
nous n ’avions pas besoin d ’in te rp rè te p o u r exprimer les
sentiments que nous partagions tous. Je dansai ta n t que
d u ra le b a l , c ’est-à-dire ju sq u ’à m in u it, et ce fut à regret
que je le vis finir. Cette vision de la patrie qui m’étail
apparue p en d an t la n u it, n ’était-elle q u ’un songe et d evait
elle s ’évanouir comme ces illusions q u ’enfante le
sommeil ?
E n v iro n s d e C h a n d e rn a g o r.
« Le jo u r me re n d it, non pas le b a l, mais l’aimable
société de mes compatriotes. J’avais compté pouvoir en
profiter p o u r visiter les environs de Chandernagor, et
j ’en fis la proposition au neveu de M. Bédier. Je croyais
q u ’il suffisait de nos jambes p o u r nous p o rte r p arto u t où
se tro u v en t quelques objets ou quelques sites dignes de
fixer l’attention du voyageur. Ce u ’est pas ainsi q u ’on
raisonne dans l’Inde. Les habitants de ces brûlants cli