
i Sixième Difcours
du nom Chrétien ; & toutefois plufieurs fielces fe paiTeréiîï avantf*
que l ’on fît aucune entreprife pour les délivrer.
I l eit vrai que les empereurs G re c s étôient prefqiie tôûjours en
guerre avec lès Mufulmans: mais c ’é toit pour la défenfe générale -
de leurs frontières , plutôt que pour la conquête particulière d e .J e -
rufalem. Les G o th s , les François , les Lombards & les autres peuples
qui dominoient en Occident furent lon g - tems occupez des
guerres qu ils avoient entr’eux & contre les Grecs. Enfuite ils fe
trouvèrent engagez à fe défendre contre les Mufulmans, qui peu de
tems après leur commencement conquirent l ’E fpagne» le répandirent
bien avant en F rance, & s’établirent en Sicile: d’où ils fai-
foient des defceiïtes en I ta lie , & jufqucs aux portes de Rome. O n
s’ eftimoit bien heureux de les repouifer , loin d’aller au delà des
mers porter la guerre chez eux. Charlemagne il p u iifan t , fi grand
gu errier, fi zélé pour la religion , n ’employa fes armes contre les
Sarrafins que fur les frontières d’Efpagne ; & il fongeoit fi peu à les
attaquer en O r ie n t , q u ’il entretint toujours alliance & amitié avec
le C a life A a ro n , qui lui envoya la c le f du faint fep u lch re , en figne
d e la liberté du pelerinage. L e voyage de Charlemagne à la terre
fàinte eft une fable inventée depuis lés Croifades.
C e ne fut qu a la fin de l'onzième fiécle que les Chrétiens d’O c -
cîdent s’unirent pour former une entreprife commune contre les ennemis
de la religion ; & le pape Grégo ire V IL homme courageux & capable
de vaftes deifeins en fu t le premier auteur. Il étoit fenfiblement
tou ché 'd e s triftes relations • qu’il re c e vo it de l’état des Chrétiens
Hi/t.liv x l i i . ° rientaux °p p rlmfzp a r le s Infidèles, & en particulier par les T u rc s
n. i 4. Seljoüqu'ides, qui venoient de s’établir en A fie : il avoit excité les
Greg. lib. u.ep. princes d ’Occident à s’armer contre enxy & il étoit déjà iûr de cinf
h quante mille hommes,, à la tête deiquels il pretendoit m a rch e r ,
comme il le témoigne dans une lettre à l’empereur Henri. Mais des
affaires plus prochaines & plus preifantes empecherent G ré g o ire
d’executer ce projet , qui le fut vingt-ans après, par Urbian II. Il y
avoit eu des préludés à ces entreprifes : les pèlerins marchoient à la
HW.lvi l x i .» . terre en grandes troupes & biens armez. Un exemple illuilre
j i . font les fept mille Allemans qui firent le voyage en 1064. & qui fe
défendirent fi vaillamment contre les voleurs Arabes : une telle c a ravane
étoit une petite armée, & les croifez ne furent que des pèlerins *
aifemblez.
.Outre les principaux motifs d’ouvrir le chemin aux pèlerinages,
& de fecourirles Chrétiensd’O r ie n t , je né doute pas que G rego irç
& Urbain n’euifent en vue de mettre pour toujours 1 Italie à couv
e r t des infultcs des Sarrafins, & de les affoiblir en E fp a g n e , o ù
Y ç a leur puifïance en effet a toujours diminué depuis les Croifades. E n -
S i] D onc'^**‘ fin le pape Urbain fait entrevoir dans un de fes fermons un autre
m o t if important ; c’eft d’éteindre les guerres particulières qui rè -
fur f Uiflolre Ëccîefîaftique. 3
<$noîent én Occident depuis plus de deux cens ans, & qui ténoient les
Teigneurs continuellement armez les uns contre les autres. L a Cro ifa -
de fut plus utile pour cet effet que n avoit été la trêve de D ie u , établie
par plufieurs Conciles vers l ’an 1040. pour fufpendre pendant certains
jours delafemaineles Aëfces d ’hoftilité. L a Croifade tourna contre
le s jn fid e le s , les forces que les Chrétiens emploïoiçnt à fe détruire
eux-mêmes.: elleaffoiblit la no b le ife , l’engageant à des dépenfesim-
menfes; ôdes fouverains cependant prirent les deffus,, & rétablirent
peu à peu leur autorité.
Je ne voi point que l ’on ait mis alors en queftion* fi cette guerre
étoit jufte:.: tous les Chrétiens d’O r ien t & d’O ccident le fiipofoient
également. T o u te fo is la différence de la. religion n’eflt pas une caufe
fuffifante de guerre ; & faint Thomas écrivant dans le treizième fie c le ,
lorfque les Croifades étoient encore fréquentés., dit qu’on ne doit
pas contraindre les Infidèles à embrafler la f o i , mais feulement que
les fideles doivent., quand ils le peuvent , employer la force pour
les empêcher de nuire a la re lig io n , foit par leurs perfuafions, foit
par leursperfecutions ouvertes. E t c ’eftp o u r ce la , con tin u ë -t-il, que
les* Chrétiens fon t Couvent la guerre aux infidèles; non pour les co n traindre
à c r o ir e , mais pour les contraindre à ne pas mettre d’obftàcle à
la foi. Sur ce fondement les princes Chrétiens on t crû de tout tems
être en d roit de p rotéger lesChrétiens étrangers opprimez par leurs fouverains.
Ainfi Theodofe le jeune refufa de rendre au roi d eP e r fe le s
ChrétiensP effans réfugiez chez les Romains; & lui déclara la guerre
pour faire ceifer la perfecution. D e ce genre fut l’o c c ifio n de la première
Croifade: l’empereur de C .P . imploroit le fecours des Latins
contre la puiifance formidable des T u rc s Seljouquides ; & les C h ré tiens
d’O r ien t le demandoient encore plus inflamment par les lettres lamentables
du patriarche de Jerufalem, que Pierre l ’Ermite apporta au
pape Urbain.
Il faut auifi convenir de bonne fo i que l’ averfion des Chrétiens
pour les Mufulmans eut grande part au deffein de la Croifade. O n
les regardoit comme une nation maudite, comme des ennemis déclarez
de la vraie religion , faifant profeifion d’établir la leur en
tous lieux par la force des armes. Leurs propres fujets ne pouvoient
s’accoutumer à leur obéir. Saint Jean Damafcene vi vant dans la capitale
de leur empire un fiecle après leur co n q u ê te , adréife la parole à
l ’empereur Léon Ifaurien, comme à fon fouverain légitimé. C in quante
ans après les patriarches d’O r ien t dans leurs lettres au fcp-
tiéine Concile général reconlioilfent de même les empereurs Grecs
pour leurs maîtres , & traitent les princes Mufulmans de tyrans exécrables.
Enfin lesChrétiens d’Efpagne n’étoient pas- encore aprivoifez
avec eux au milieu du neuvième fiecle, comme on voit dans faint E u lo -
ge de Co rd ou ë . J ’avoue que je ne reconnois plus id le premier efprit
du Ch riilianifme, ni cette foCimiffion parfaite aux empereurs P$ycns
a ij
UiJLliv. n x.
41.
Socra. v u , hiji♦
1. 1 8-.
Hijl, liv , x x iv .
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Liv. lx 1 v. n.» 31.
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nu. 19.
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Imag.or.i n. u .
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1 70 .17 5 .
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77. 3 3 .
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