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--------------pcmvez diffiper cette entrepriie. Je ferai révolter
A n . iz 8i . ja SiCile contre Charles avec le fecours des fei—
gneurs du païs & :du roi d’Arragon , qui prétend
avoir droit à ce roïaume àcaufe de fa femme Con- *
ftance fille ôc heritiere de Mainfroi,
L’empereur Michel connoiffant la puiifance du
roi Charles, & defefperant d’aucun fecours contre
lui , écouta le confeil de Jean de Precida , lui
donna des lettres telles qu’il vou lu t, & envoïa
avec lui fes ambafladeurs à quelques feigneurs
de Sicile : defquels Jean prit des lettres au roi
d’Arragon , où ils le prioient de les tirer de
fervitude & promettoient de le reconnoître pour
feigncur. Alors Jean de Procida vint en cour de
Rome déguifé en frere Mineur ; & découvrit au
pape Nicolas fon traité avec Paleologue, delà
part duquel on dit même qu’il lui donna de l’a-r--
suf.Uv.-LTïi-vr. gent. Et comme le pape étoit d’ailleurs mécontent
du roi Charles, il donna à Jean de Procida
des lettres pour le roi d’Arragon, par lefquelfes-
il lui promettoit le roïaume de Sicile s’il en fai-
foit la conquête. Jean de Procida paflfa donc
en Catalogne l’an 1180. & vint trouver Pierre
roi d’Arragon, qui voiant les lettres du pape j§
des barons de Sicile & de Paleologue, accep-
xicerd.c.»s. ta fecretement l’entreprife. Mais la mort du pape
Nicolas & la promotion de Martin IV. pen-
ferent lui faire changer de delfein : enforte qu’il:
étoit fort irréfolu, lorfque Jean de Procida revint
en Catalogne l’an 1181. avec les ambafladeurs de
Paleologue : lui apportant trente mille onces d’or
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pour armer fa flotte , &c de nouvelles affùrances
des barons de Sicile.
Enfin le. roi d’Arragon fe rendit aux inftances
de Jean de Procida & promit avec ferment de fui-
vre l’entreprife. Il prépara fon armée navale
fit courir le bruit qu’il alloit contre les Sarrafins.
Le roi de France Philippe, qui en premières noces
avoir époufé fa foeur , lui envoïa demander quel
païs des Sarrafins il vouloit attaquer, lui offrant
fecours d’hommes & d’argent ; mais le roi d’A r ragon
ne voulut point découvrir fon deflein ; &c
ne laiffa pas de lui demander quarante mille livres
de tournois, que Philippe lui envoïa aufli-
tôt : toutefois fe défiant du roi d’Arragon , il
manda au roi Charles fon oncle, de fe tenir fur
fes gardes. Ce prince alla aufli-tôt trouver le pape
Martin , auquel il dit ce qu’il a-voit appris ; &
le pape envoïa au roi d’Arragon Jacques de l’Ordre
des freres Prefcheurs, fçavoir en quel païs des
Sarrafins il vouloir aller, difant que l’églife de-
voit avoir connoiflance d’une telle entreprife , &
y vouloit aider : à quoi il ajouta une défenfe ex-
preife d’aller contre aucun prince chrétien. Le
roi d’Arragon remercia fort le pape de fes Offres :
mais il dit à fon envoïé qu’il ne pouvoir alors lui
découvrir de quel côté il alloit : Et fi une de mes
mains, ajouta-t-il, le declaroit à l’autre, je la cou-
perois. Cette parole étant rapportée au roi Charles
& au pape Martin leur déplut extrêmement.
Le roi Charles cependant fit débarquer trois
mille hommes à Canine en Epire qui étoit à lui ,
Aaa ij