
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
— la fuite de fes avantures. Etant venu à Paris en
95- 1187. il expliqua publiquement fon livre de l’art
général, par ordre du chancelier de l’Univerfité
»•■j. Bertauld de faint Denis & après avoir vû la ma-
1 niere d etudier à Paris, il retourna à Montpellier
vers l’an 1189. & y compofa fon art de trouver la
vérité : puis étant paffé à Genes il le traduifit en
Arabe. De là il alla à Rome pour la fécondé fo is ,
fous le pape Nicolas IV . en 12.91. folliciter l’éta-
bliflement de fes monafteres pour l’étude des langues
Orientales & l’union des ordres militaires ;
mais il y avança peu, à caufe des affaires dont la
cour de Rome étoit alors occupée ; 5c il retourna
à Genes, voulant paifer chez les infidèles, 8i
eifaïer ce qu’il pourroit faire lui ieul pour leur
eonyerfion. Car il efperoit par le moïen de fon
art g que conférant avec leurs fçavans, il leur
prouverait les myfteres de l'Incarnation & de la
Trinité , & le bruit s’en étant répandu dans la
ville de Genes, le peuple fut très-édifié de fa ré-
.«4. folution. Mais comme il étoit prêt à partir, aïant
déjà fait porter fes livres & fes bardes dans le vaif-
feau, tout d’un coup il lui vint en penfée que fi-
tôt qu’il feroit arrivé, les Sar-rafins le feraient mourir
, ou du moins le mettroient en pr-ifon perpétuelle.
Il demeura donc à Genes puis dès que
le vaiiTeau fut parti, il eut honte de fa foibleife
8c du fcandale qu’il avoit donné, jufques à en
tomber malade ; 8c malgré les efforts de fes amis,
il s’embarqua avant que d’être guéri fur un autre
bâtiment qui alloit à Tunis. Il y arriva en bonne
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fianté, & aïant affemblé peu à peu les plus fçavans — -
Mufulmans, il leur dit : Je fuis bien inftruit des " N* l i 9 5 -
preuves de la religion Chrétienne, ôc je fuis venu
pour entendre les preuves deHa votre, afin de
î ’embrafTer, fi je les trouve plus fortes. Les Mufulmans
lui aïant apporté les preuves de leur religion
, il y répondit facilement, 8c ajouta : Tout
homme fage doit fiiivre la créance qui attribue
à Dieu plus de bonté, de puifîance , de gloire 8c
de perfedfion ; & qui met entre la première caufe
8c fon effet plus d’accord 8c de convenance. Il p. a*.
s’efforçoit ainfi par des raifonnemenss métaphyfî-
ques, de leur prouver les myfteres de la Trinité &
de l’Incarnation , 8c croïoit en avoir perfuadé
plufieurs qu’il difpofoit au baptême : quand un
Mufulman homme de réputation reprefenta au
roi de Tunis que ce Chrétien s’eiforçoit de ren-
verfer leur religion , 8c le pria de lui faire couper
la tête. Surquoi le roi aïant tenu confeil, penchoit
à faire mourir Raimond -, mais un autre fage Mu-
fuiman l’en détourna , & il fe contenta d’ordonner
que l’on le chaffât inceffamment du roïaume ,
fous peine d’être lapidé , fi on l’y retrouvoit ; &
en effet un autre Chrétien qui lui reffembloit pen-
fa être lapidé pour lui.
De Tunis Raimond vint à Naples , où il conti- ?■ sAf.
nua d’enfèigner fon art 5c de compofer des livres,
8c y demeura jufques à l’éleéfion du pape Celeftin
puis il paifa àRome, &c follicita auprès de Boniface
V I I I . les affaires qu’il avoit à coeur depuis fi longtemps,
fur tout l’établiifement de l’étude des langues
E f f f iij.
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