
g Sixième Difcours.
lo it vanger la honte de Jefus-Chrift ; mais ce qu il tient a in ju re , & qui
le deshonore v éritablement, c’eft la vie corrompue des mauvais C h r é tiens
, comme étoient la plupart des croifés , beaucoup plus que la.
profanation des créatures infeniïbles, des bâtimens confacrez à fo.n
n om , & des lieux qui nous rappellent la mémoire de ce qu il a
foutfert pour nous. Quelque refpeôfc qui fo it dû a ces faints lieux ^
fa religion n’y eft pas attachée : il nous l ’a déclaré lui-meme, ç n d i-
fant que le tems étoit venu où p ie u ne feroit plus adoré ni a J er
ruialcm, niàSamarie , mais partout en efprit & en vérité. C eft pour
^ defabufer les Juifs de ce t attachement à un certain lie u & à un tenir
joan. iv .a i matériel, qn’il a voulu que Jerufalem fut détruite, ,& n a jamais
permis que le temple fût rebâti.
C ’eft une équivoque d ’appeller la Faleftine l'Heritage du Seigneur çc
la terré promife à fon peuple: ces expreiîions ne convenoient qu a
l ’apcien .teftament dans le fens propre & littéral, & ne peuvent etre
appliquez au n ouveau, que dans le fens figuré. L. héritage que JeluSr
C h r ift s’eft acquis par fon fang , eft fon églife raflemblée de toutes les
nations ; & la terre qu’il lui a promife eft la patrie celefte. N o u s devon
s être prêts ad on n e r notre* vie pour lui mais c e ft en lounrant
toutes fortes de p erfêcutions , de tourmens & la m o jt même , pluto.t
que de le renoncer & de perdre fa grac£. Il n.e nous a point commande
d’expofer notre vie en attaquant les infidèles les armes a la main ; oÇ
s’ il eft permis d’appeller martyrs ceux qui font tuez en combattant contre
les infidèles, c ’eft dans une guerre purement de religion. Il s eto if
paifé plus de cinq cens ans depuis que les Mufuimans avoient conquis
.la Paleftine jufques à la première Croifade ; & je ne v o i pas;cme la relig
ion Chrétienne en général] en eût fouffert un grand dechet, m
qu’e lle ait été plus flo riifinte depuis. Enfiq les reproches que 1 on
faifo.it aux princes qui n’alloientpasà la Croifade tombojent aufii lut
leurs prédeceffeurs, & furies autres princes les plus zelez pour la reli^
^ L a fécondé Croifade conduite par le roi Louis le Jeune avec C o n rad
ro i d'Allemagne fut fans aucun fuccês ; & faint Bernard qui l a -
v o it prêchée fut réduit à fe juftifier contre les reproches qu elle lu j
Hifi.liv lx ix .h . avo it attirez. L ’armée du roi Conrad périt fans combat en N a to lie
x8 .19.«.4^.47. par la trahifon des G r e c s : mais peut-on aifez admirer la iimplicite
Confid. de ce prince , de fe fier à l’empereur Man u e l, après 1 expenence
BiJl.liv.Lxv.45. de k j,remiere Cro ifade , où fon ayeul Alexis avoit eflaie de faire
avorter l’entreprife ? il n’y avoit pas cinquante, ans de lu n e a l autre
, & les mêmes fujèts de défiance fubfiftoient : les Grecs croyoïent
toûjours que les Latins en v ou loien t à leur empire; & ce qui arriva
cinquante ans après a la quatrième C ro ifa d e , ne juftifiaque trop leurs
v foupçons. . . -
Inconvénient Je parle de celle où les François entraînez par les Vénitiens alle-
de la prifedeG. rent d’abord attaquer Zara en D a lm a tie , puis C . P. pour reta ir le
p. jeune
Jùr i ’Htfloiie Ecch/îaftique. 9
cu îié empereur A le x is , & la prirent enfin fur les G recs ; fous pré-
. texte de punir Murzufle de fa déloyauté contre ce jeune prince :
car c ’e ft le m o t if que leur propoferent les évêques qui les condui-
fo ient : que ceux qui faifoient de tels meurtres n’a voient aucun d roit
de pofleder des états; ,& les princes croifés étoient fi peu éclairez,
qu’ils ne voioient pas les dangereufes confequences que l’on pou-
v o it tirer contre eux-mêmes de cette faulfe maxime. Le pape Innoc
e n t III. fit d’abord tous.fes efforts pour détourner les deux croifés
d e cetteeq tçep rife: il Ijeur reprefeota.qu’ils avoient pris les armes
contre les iqfidelçs , & non contre les Chrétiens ; & que ce n ’étoit
pas à eux de vanger les injures faites à l’empereur Ifaac ni à fon
,fils A lexis. Aux .remontrances il joignit les cenfures, & ljes Croifés
furent excommuniez pour ce fujet.
Mais enfin il fut ébloui par le fuccés ; & voiant les Latins maîtres
.de C . P. comme par m irac le , il crut que D ieu s’é toit déclaré pour
eux. D eu x raiions fpecieufes lui impoferent, la facilité de fecourir
la terre fainte , & î ’efperance de réunir les Grecs à T E g life R o maine.
O n difoit d’un côté : C e fo,nt les .Grecs qui jufques ici ont
le plus nui au bon fuccés des C ro ifade s par leurs perfidies & leurs
t r a h i fo n s q u a n d nous ferons maîtres de leurs perfidies & leurs
de l&tçrre.fainte fera facile & afluré, & nous irons à fon fècours de
proche en proche. D ’ailleurs on d ifo it: C e font des ichifmatiques
obftinez,, des enfans de le g life révoltez contre elle depuis plufieurs
fiecles , qui méritent d’être châtiez. Si la crainte de nos armes les
ramene à leur d e v o ir , à la bonne heure : fin on , il faut les exterminer
, & repeupler le pays de catholiques. Mais on fe trompa
.dans l ’un & dans l’autre de ces raifonnemens : la conquefte de C . P .
attira la perte de la terre fainte , & rendit le fchifme des Grecs ir -
.r,econciabIe : c’eft ce qu’il faut expliquer.
Premièrement, la co n ie rv à t io n d eC .P . devint un nouvel objet
de Croifade & partagea les forces des P e le r in s , déjà trop petites
pour foûtenir la guerre en S y r ie , fur tout depuis Ja perte de Jerufalem.
Cependant les C roifés alloientplus volontiers en Romanie.
attirez par la proximité & la bonté du pays : ils y couroient en
foule , & on y v it .b ien-tô t de nouveaux états outre l’empire, un
roïaume de TheiTalonique, une principauté d’A ch a ïe .O n y trouva
aufïi de nouveaux ennemis à combattre outre les G r e c s , des Bulga
res, des Valaques, des Coma in s , des H on g rois . Ainfi les Latins
établis en Romanie avoient allez à faire chez eux (ans longer à la
terre fainte. Ils crioient continuellement au fccours, & attiroient
tout .ee qu’ils p ouvoientde Croifés. Mais malgré tous leurs efforts
la conquçtede ,C .P . fut encore plusfragile.quecelle.de Jerufalem ;
les Latins .ne la gardèrent pas foixante ans.; & pour comble de
malheur , cette conquête & les gueres qu’elle attira ébranlèrent
tellement l’empire G re c , qu’elles donnèrent occafion aux T u rc s
'Tome b
Villeh. n. 17»
Bijl. liv. LXXV.
» . 5 1 .
Geji.lr.no.n, S9,
Hijt. LXXTf .
n,i 3 .Gejt.n. ¿4,