
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ? 5
celui des autres ? Dieu me demande-t-il l’impoifi-
4’ ble, & ne m’a-t-il élevé que pour me précipiter?
Je vois les cardinaux divifez, & j’entens des plaintes
contre moi de tous cotez: ne vaut-il pas mieux
rompre mes liens & laiffer le faint fiege à quelqu’un
qui fçac'he gouverner l’églife en paix ? Si
toutefois il m’eft permis de quitter cette place &
de retourner à ma folitude.
Dans ce doute il eut recours à un petit livre
qu’il confultoit dans fon defert, pour fuppléer à la
fcience qui lui manquoit, & qui conpenoit en
abrégé les maximes du droit. Il y trouva qu’il
eft permis à tout ecclefiaftique de renoncer à fon
benefice ou à fa dignité, pour caufe valable & du
confentement de fon fuperieur ; mais il douta fi le
pape, qui n’a point de fuperieur, étoit compris -
dans la regle générale ; & fur cette difficulté il
confulta un ami, qui lui dit : Vous pouvez fans
doute renoncer, pourvû que vous en aïez une caufe
fuffifante. Je n’en manque pas,reprit Celeftin,
j’en ai plufieurs -, & c’eft à moi à en juger. Il confulta
encore une autre perfonne, qui décida de mèr
me : ainfi il s’affermit dans la réfolution de renoncer.
Mais ces confultations ne furent pas fi fecre-
tes qu’elles ne vinffent à la connoiffance des Ce-’
leilin s, je veux dire, des moines de la nouvelle
congrégation, qui étoient continuellement auprès
du pape. Ils firent tous leurs efforts pour lui
faire changer de réfolution, lui reprefentant que
s’il les abandonnoit, ils feroient infultez de toutes
parts, & ne pourroient fubfifter long-temps.
Us exciterent même fecretement le peuple de Na- ——
pies à fe prefenter en tumulte au château où lo- A n -
geoit le pape, dont ils rompirent les portes, & vinrent
jufques à fa cellule que plufieurs nobles enfoncèrent
demandant à le voir. Il vint à eux, leur
parla , & fçùt fi bien diffimuler fon deffein qu’il
les appaifa.
Cinq jours après il affembla les cardinaux , &
leur reprefenta comment il avoit paffé fa vie dans
le repos & la pauvreté, les douceurs qu’il y avoit
goûtées, les grâces qu’il avoit reçûës de Di e u , à
qui il rapportoit tous fes biens fans fe rien attribuer.
Puis il ajouta avec larmes : Mon âge , mes
maniérés,lagroffiereté de mon langage,mon peu
d’efprit, le manque de prudence & d’experience
me font craindre le péril auquel je fuis expofé fur
le faint fiege. C ’éfl: pourquoi je vous demande in~
ftamment votre confeil, puis-je ceder en sûreté,
& fera-t-il pas utile à l’églife que je renonce à un
métier que je ne fixais pas ? Les cardinaux après y
avoir bien penfé lui confeillerent de s’effaïer encore
pendant quelque temps, évitant les mauvais
confeils, qui nuifoient aux affaires & à fa réputation
-, & ils lui promirent un heureux foccès, s’il
vouloir les croire. Cependant ils lui confeillerent
d’ordonner des procédions & des prières publiques
, pour demander à Dieu qu’il fit çonnoitre ce
qui feroit le plus utile à fon églife.
On fit donc une proccffion folemnelle, depuis bm. p.
la grande églife de Naples, jufqu’au château du
r oi , où logeoit le pape , comme raconte Ptolo-
E e ç e ij
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