
A n . 1194.
t. 41s.
p. 460. e. 15.
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rnee de Luques, qui y affifta. Plufieurs évêques
du païs s’y trouvèrent avec tous les religieux &c
tout le cierge , & quand on fut arrivé au château,
toute la çroceffion secria demandant au pape fa
benedi&ion. Il vint a une fenêtre accompagné
de trois évêques, & après qu’il eut donné fa be-
n ed iition , un des eveques de la proceiîion lui
demanda audience : puis au nom du ro i, de tout
le roïaume , du clergé & du peuple, il le fuppha
a haute voix , que puifqu’il étoit la gloire du roïaume,
il ne fe laiifat perfuader en aucune maniéré
de renoncer. Un de ceux qui étoient avec le pape
, repondit par fon ordre , que ce n’étoit point
fon intention , a moins qu’il ne vit quelqu’autre
raifon qui l’y obligeât en confcience. Alors l'évê-
que qui parloit pour le roi & le roïaume entonna
le Te Deum, & chacun retourna chez foi. C ’é-
toit au commencement de Décembre , vers la
faint Nicolas ; & tout le monde , le roi même
j croioit que Celeftin ne penfoit plus à renoncer.
Mais le treizième du même mois, jour de fain-
te Luce , il tint un confiftoire où étant affis avec
les cardinaux, revêtu de la chape d’écarlate & des
autres ornemens de pape , il tira un papier fermé ,
& après avoir défendu aux cardinaux de l’interrompre,
il I ouvrit & le lût en ces mots : Moi Celeftin
cinquième du nom , mû de caufes légitimés,
d humilité , de defir d’une meilleure vie, de ne
point blefler ma confcience, de la foiblefle de
mon corps, du défaut de fcience & de la malignité
du peuple : & pour retrouver le repos & la con- ------------ ~
folation de ma vie paffée , je quitte volontaire- A n - I2-M-
ment & librement la papauté, & je renonce ex-
preflement à cette charge & à cette dignité : donnant
dès-à-prefent au iacré collège des cardinaux
la pleine &c libre faculté d’élire canoniquement un
pafteur à l’églife univerfelle. A cette leéture les 7*
cardinaux ne purent retenir leurs foûpirs & leurs
larmes , & Matthieu Roffi le plus ancien diacre ,
par ordre de tous, dit à Celeftin : Saint pere , s’il
n’eft pas poffible de vous faire changer de réfolu-
tion , faites une conftitution , qui porte expreifé-
ment que tout pape peut renoncer à fa dignité ,
& que le collège des cardinaux peut accepter fa ré-
' fignation. Celeftin l’accorda ; Roffi diéta la con- v* renunù c,ii.
ftitution, & elle fut depuis inferée au fexte des
decretales.
Alors Celeftin fortit du confiftoire, & les cardinaux
après en avoir délibéré admirent fa réfi-<
gnation , & l’aïant fait rentrer l’exhorterent à demeurer
tranquille & à prier pour le peuple qu’il ^
laifloit fans pafteur. Mais l’état où ils le virent
leur fit encore répandre des larmes ; car il avoit
quitté toutes les marques de fa dignité, & avoit
repris l’habit de fimple moine. Il avoit tenu le
faint fiege cinq mois & quelques jours depuis fon
éleétion ,/& depuis fon facre trois mois & demi.
Cette ceffion du pape Celeftin fut interprétée di- "Dante. înfer'no,
r vertement : 1les ge1ns d u mond1e1 l a regard1 èrent canto a»©1.
comme une adâion de pufillanimité & de bafleiTe
de courage : mais les plus fages l’admirerent
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