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20 Sixième Difeours
Les-Croifades de la terre fainte degenerérent aufli avec letéms .
en afiâires temporelles, dont la religion n’etoit plus c[ue le prétexte.
O u tre les conquêtes des royaumes & des principautez, ces entre-
prifes produifirent des effets moins b rillan s , mais pius folides : l’ac-
eroiifetnent de là navigation Si du commerce qui enrichit V e n iie ,
G e n e s& les autres villes maritimes d’Italie; L ’experience des p remières
Croifades fit voit' les inconveniens de faire par terre une
marche de cinq ou fix cens' lieues pour aller gagner C . P. Si iaN a -
tolie. O n p r i t le chemin de lamer beaucoup plus co u r t, & I e sC ro i-
fes félon les pais d o u ils venoie-nt, s'embarquerent en P ro v en c e .
en C a ta lo g n e , en I ta lie ,-o u enSic-ile, Il fallutdans tous les ports
multiplier les hatimens & les équipages, pour paffer tant d’hommes
& de chevaux avec les munitions de guerre & de bouche. Ainfi
la navigation de lam e r Méditerranée, dont les Grecs & les Arabes
etoienten pofïeflion depuis plufieurs feu le s , tomba entre les
mains des Francs; & les conquêtes des Croifes leur affûtèrent la
liberté du commerce, pour les marchandifes de G r e c e , de S y r ie , &
ci E g y p t e , & par confequent pour celles des In d e s, qui ne venoient
p oint encore en Europe par d’autres routes. Par là s’enrichirent &
s ’accrurent les puiffantes républiques de Veniie ,d e Genesj.de P i fe ,
de F lo ren c e ! car outre les ports de mer le commerce s’étendit aux
villes où fleuri (lôientrles arts & les m anufàâures.
O r je ne doute point qu’un fi puiffant intérêt n’ait fervi à la continuation
des C roifades ; Si je croi en v o ir une preuve dans le traité
du VénitienSanutointitulé les fecrets des fideles de la C ro ix : où
il fait tant d’efforts pour perfuader au pape Jean X X II . de procurer
le. recouvrement de la terre fainte : car on n ’en defefperoit pas encore',
quoiqu’en effet il n’ y ait plus eu de Croifades. Les in te rdis
particuliers étoient encore confiderables à caufe des grands privilèges
des Croifés. Us étoient fous la proteélion de l’é g life , à couvert
des pourfùites de leurs créanciers qui ne pouvoient rien leur demander
jufques à leur r e to u r , ils étoient déchargexdés n fures. C ’é toit
comme des hommes facrezfll y avoit excommunication de plein d roit
contre quiconque.les attaquoit en leurs pet fonues ou en leurs biens;
& comme'quelques-uns en abufoient pour retenir le bien d’autrui,
chercher l’impunité de leurs crimes o u e n commettre de nouveaux ,
on fut oblig é d ’y pourvoir en plufieurs conciles.
L a derniere Croifade; qui eut fon exécution fut celle o ù mourut
S .L o ü is . A dontvous a v e z v û le p e u d e fu c c é s : mais.on ne renonça
pas pour ce laà ce s entreprifès, même depuis la perte de la terre
faintearrivée v in gt ans après. G n continua pendant tout le refte
du treizième fiecle, & bien avant dans le quatorzième à prêcher la
Croifade pour le recouvrement de la terre fain,te, & à le v e r des
décimés pour ce fu je t, ou fous ce prétexte , qui s’employoientàs
¿ autres gu e r re s ,.fu iv an t la deflination des papes & le crédit des.
fur l’Hifloire Ecclefaflique. i i
princes.-Depuis.plus d’un fiecle on en c ftd e fab u fé , & il n’eft plus
guere mention de guerre contre les infidèles que dans les fouhaits .
de quelques auteurs plus zelez qu’éc lairez, & dans les prediélions
des poètes , quand ils veulent flatter les princes. Les gens fenfez
inftruits par l’experience du paffé, & par les raifons que j ’ai touchées
en ce difeours voient b ien qu’en ces entreprifes il y avoit plus à perd
r e qu a gagner, & pour le temporel & pour le fpirituel.
Je m’arrête à cette derniere confideration qui efl- de mon fu je t,
& je dis que les Chrétiens doivent s’appliquer à la converfion &
non pas à la deftruilion des infidèles. Quand J e fu s -C h r iftad itq u ’il
é to it venu apporter la guerre fur la te r re , il efl clair & par la fuite de
fon difeours, Si par la conduite de fes difciples, qu’il n ’a voulu parle
r que du foulevement qu’exciteroit fa celefte d o â r in e , où toute
la violence feroit de la part de (es ennemis, & où les fideles ne fe-
roient pas plus derefiftance que des brebis attaquées par des- loups.
L a vraie religion d oit fe conferver & s’étendre par les mêmes moïens
qui l ’ont é tab lie , la prédication accompagnée dediferetion & de
prudence, la pratique de toutes les v e r tu s , & fur tout d’une patience
fans borne. Quand il plaira à Qieu d’y joindre le don des mirac
le s , le progrez iëra plus prompt. Machiavel difant que les prophètes
defarmez n’ont jamais réiiffi, montre également fon impieté
& (on ignorance : puifque J e fus -Ch rift le plus defarmé de tous eft
celui dont lesconquêtes ont été les plus rapidesét les plus folides;
Je dis les conqueftes telles qu’il les prétendoit faire , en gagnant les:
coe u r s , changeant intérieurement les hommes, & faifant bons dé
mauvais qu’ ils é to ien t: ce que n’a jamais fait aucun autre conque:
rant. i
L a guerre ne produit que des effets extérieurs, oblig eant les vaincus
à fe foumettre à la volonté du v ain qu eu r, lu i payer tribut &
exécuter fes ordres. En matière de re lig ion , ce qui e fta u p o u v o ir du
fo u v e ra in , c’eft d'empêcher l’exercice public de celle qu’il dèfap-
p r o u v e ,& faire pratiquer au dehors les cérémonies de la fienne:
c ’eft-à-dire , punir ceux qui ne fe conforment pas fur ce p o in ta fes
volontez. C a r s’ils méprifentles peines temp orelles , iln e lui refte
rien au delà : il n’a aucun p ouvoir dire ét fur fes volontez.
Il faut encore fe defabufer d'une opinion qui n’eft que trop
établie depuis plufieurs fiecles, que la religion ioit perdue danfs
un pais quand elle a ceffé d’y etre dominante Sç loutenué par la
puiflance temporelle : comme le Chriftianifme en G re c e & en Na--
t o l i e , comme la rel'gion Catholique dans les-pays du N o r t . C e f t
fans doute pour nous prémunir cofitre cette erreur que Dieu a
v ou lu former le Chriftianifme fous la domination d e sP a y en s , &
l ’y fortifier pendant trois fiecles entiers au milieu de l ’oppreffton
& de la perfecution la plus-cruelle. Preuve invincible que-fa relig
ion n’a pas befoin de l ’appui des hommes; que lui feul la foû-
H iij
XIV.
Qu’ il vaut
mieux convertir
les infidèles.
Matth, X. }4,
Luc, XII, 51«
Matth X. 1 6-,
L u i, X. 3.
Maceh. Trin*
cipe .t. C,