
Hijl, liv• x r i.ft ,
t.
X V.
Q u ’on pour-
roic convertir
les Mufulmans.
1 1 Sixième Difours
tient , 8c que l oppofition des puiflances de la te r r i n e fa lt qu’af-
rermir & purifier fon églife. V o y e z ce que dit fur ce fujet faint
Hilaire contre Auxence.
Je reviens donc à dire qu'il ne faut pas chercher à diminuer les
raufles religions, ou etendre la véritable par les armes & la violence
; ce n e it pas les infidèles qu’il faut détruire, mais l’infidélité en
conter v an t les hommes & les defabufant de leurs erreurs: en un
m ot 1 unique moyen eft de perfuader & de convertir. Je fai que
I on eft ordinairement prévenu de l’impoifibilité de convertir les
Mufulmans , & que c eft ce qui engage les plus zelez millionnaires,
de palier au delà pour prêcher l'évangile aux Indes & à la Ch in e : mais
ÎM H h N ^ e les f ° ndemens de cette prévention ne foient pas aflqs
iolides. Jefus -Chrift ordonnant à fes difciples d’aller inftruire toutes
es nations, n en a excepté aucune , & les anciennes p rophéties qui ,
marquent fi fouyent & fi clairement la converfion de tous les peu-
p e sn y fo n t aucune difttn<^ioq. Seroit-il doncp olfible que tant de
nations différentes réunies fous la religion de Mahomet occupant
une fi grande partie du monde connu iu fien t feules exclues de ces
magnifiques p romeffes ?
C e ne font point des barbares errans & difperfez, comme les anciens
S cy th e s , ou comme a prefent les Sauvages de l ’Amerique : ce
jo n t des hommes vivant en focieté fous certaines ioix occupez de
1 agriculture-, des ar ts , du trafic & ayant l ’ufage des lettres. C e ne
font ni des Athées ni des Idolâtres, au contraire leur religion toute
ratifieq u e lle e fta plufieurs principes communs avec la v é r itab le ,
qui femblent des difpofitions à les y amener. Ils croyent unfeul D ieu
tout-puifiant , créateur du to u t , également jufte & mifericordieux-:
° nt-'lne horreur extrême de la multiplicité des Dieux & d e l ’ido-
latrie. Ils croyent l’immortalité de l ’am e , le jugement fin a l, le paradis
& 1 c n£ei fies anges bons & m auvais,& même les anges gardiens.
Ls connoiffent le deluge univeriel , ils honorent le patriarche
Abraham comme le u rp e r e& le premier auteur de leur religion : ils
tiennent M o ïfe& Jefus-Chrift pour de grands prophètes envoyez
de D .eu : la loi & 1 évangile pour des livres divins. Quant aux pratiques
de religion ils font une priere réglée cinq fois le jour à certaines
heures. Ils feftent un des jours de la femaine, ils jeûnent un
•mois chaque année; il$ s’afiemblent pour prier & écouter les inftru-
,étions de leurs d o reu r s : ils recommandent fort l’aumône, ils p rient
pour les m o r ts , ils font des pèlerinages.
Mais , d it-o n , ils défendant fous des peines très-rigoureufes de
p ir le r aux Mufulmans pour Jeur faire changer de religion , & jls
reroient mourir fans mifericorde quiconque en auroit converti un
ieul. Et fous Decius & Diocleticn y alloit-il moins que la v i e , non
leulementde convertirdes P a yens, mais Amplement d’être C h ré tien?
Si les apôtres & leurs premiers difciples avoient été retenus
fur l’Hiftoire Eccle/îajîique. % 3
p a r d e t elles d éfcnfes& par la crainte de la m o r t , on n'aurait point
prêché l’évangile. Encore les Mululmans fouffrent-ilschez eux des
Chrétiens , comme ils ont fait de tout tems jufques à leur laiffer
le libre exercice de leur religion , moiennant un certain tribut.
C ’eft cela même, d ir e z -v o u s , qui empêche de leur prêcher l'évang
ile ; car ils extermineraient ces pauvres Chrétiens fi on entrepre-
n o it de conv ertir des Mululmans. C ’eft l ’objeétion la plus fpecieufe
que j’aie oui faire fur ce fujet : mais je doute q u ’elle io it fo lid e , &
que ies princes Mufulmans, quand ce viendro it à l ’execution fuflent
affez mauvais politiques pour fe priver aifément d’une grande partie
de leurs fujets. I.'objection feroit forte ,.fi le nombre de ces C h ré tiens
n’étoit très-grand ; & il l’eft en e ffe t, fur tout dans les pais
derniers conquis , comme la Gre c e , où il y en a beaucoup plus
que de Mufulmans.
. O r quand je p ropôfé de travailler à la converfion de Ces derniers,
j ’entens q u ’on s’y prenne avec une extrême dilcretion , comme
dans la nàiffance de l’égiife. II ne s’agit pas feulement de mépri-
fer la mort & fe l ’a ttirer fans f r u i t , comme ces freres Mineurs qui
fe firent tuer à Maroc & àC e u ta . S. Cyp rien ne les auroit pas re-
connus pour martyrs. Pefons bien ces paroles de notre divin m aître ; 23* ” • 44-
Je vous enVoie comme des brebis au milieu des loups : foyez donc
prudenscomme des fe rp in s ,& fim p le s comme des colombes; N ’ai- Mmh. r<r,-
le z pas effaroucher ce sloups, pour en être d evorez avant que d’avoir '
pu les apprivoifer. Conduifez-vous avec une extrême prudence envers
les Infidèles : gardez-vous de les irriterfans n eceflité, & ne leur
parlez de ma doétrine , que quand vous les verrez difpbfez à l’é-
couter. Mais prenez garde aufliqùe votre prudence ne dégénéré en
fineffe & en artifice : qu’elle fo it toujours accompagnée de fimplid-
té & de droiture , qui e ft l’amede ma religion.
J e voudrais donc que ceux qui entreprendraient de prêcher la
fo i auM u fulmans fuflent p remierment bien inftruits des langues qui
o n t cours.chez eux. L ’Arabe qui eft la langue de le u r re lig io n , le
T u r c & le Perfan félon les pais: qu’ils euffent bien lû leurs livres &
fuflent bien leur d o d r in e , leurs hiftoires & leurs fables : en un mot
qu ils euffent lesînêmes fecours pour cette controverfe que les peres
d e l églife avoient pour celle des anciens Païens. Q u ’ils commençaf-
fent à s’infinuer dans leurs efp rits , par les veritez dont ils con v ien -'
nent avec nous.: l ’unité de D ie u , fa puiffance, fa fag effe, fa b on té &
fes autres attributs:lès principes de m orale qui n o u slon t communs,-
comme la juftiçe , l’amour du prochain. Il faudrait bien fe' garder de
leur parler trop tôt des myfteres de la T r in ité & de l ’Incarnation
contre b-iquels ils font prévenus : Il faudrait auparavant bien établir
l’autorité de l’év angile, en détruifant l ’opinion dont ils font imbus,
que ce livre qu’ils reconnoiffent pour divin aété falfifié par les
Chrétiens. Pour les defabufej fur ce point on pourrait employer'